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Pas de nouveau sursis pour la loi Pinel

Par Ann Bouard
13 septembre 2024

La Cour des comptes a rendu ce 5 septembre son rapport d'évaluation du Pinel, outil de défiscalisation bien connu sur le territoire, amené à disparaître le 31 décembre prochain. Quelles conséquences pour Saint-Martin ?

Dans son rapport, la Cour des comptes note que le dispositif Pinel n'a pas vraiment rempli les objectifs pour lesquels il avait été mis en place en 2014. L’ancienne ministre du Logement, Sylvia Pinel, avait en effet instauré cette mesure afin que les particuliers investissent dans des logements neufs ou à rénover pour les mettre sur le marché de la location à des loyers plafonnés, et à minima six ans (et jusqu’à 12 ans). La finalité était, dans les zones tendues, d’élargir l’offre de logements intermédiaires destinés aux ménages éprouvant des difficultés à se loger dans le secteur privé ou social. Les investisseurs pouvaient alors bénéficier d’une réduction d'impôt.

Ce dispositif a largement contribué à accélérer les opérations immobilières dans les outre-mer où les avantages fiscaux qu’il concède sont nettement plus avantageux que dans l’hexagone, malgré une baisse des taux l’année dernière. En effet, la réduction d’impôt à laquelle il donne droit est passée de 23% en 2022 à 21,5% en 2023 pour un engagement sur six ans. Une baisse encore plus probante pour un engagement de 12 ans, puisque le taux de réduction est depuis 2023 de 28,5% alors qu’il était encore de 32% en 2022.

Le dispositif Pinel avait déjà bénéficié d’un sursis, puisqu’initialement il devait s’achever en 2022.

UN DISPOSITIF POUR REVENUS AISÉS

Le principe même du dispositif l’oriente logiquement vers des investisseurs aisés. Les personnes qui payent peu ou pas d’impôts n’ont en effet aucun intérêt à obtenir une réduction fiscale ! Près de 244 000 déclarations fiscales dématérialisées concernant le dispositif ont été recensées par la Cour des comptes, mais leur nombre ne reflète pas la réalité des logements effectivement proposés à la location. Ni la direction générale des finances publiques, ni la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages ne peuvent fournir un chiffre consolidé du nombre de logements  construits ou rénovés grâce à ce mécanisme.

Ladite réduction accordée représente environ un manque à gagner de 7,3 milliards d’euros,  sur dix ans,  pour les caisses de l’État. Outre le coût, l’impact du dispositif sur le marché de la location semble limité. Rares sont les bailleurs qui s’engagent pour 9 ou 12 ans, et dans la majorité des cas, ils revendent le logement au bout des 6 ans minimum requis. Il ne permet donc pas de composer un parc de logement pérenne. Il a même un effet plus pervers dans l’hexagone, car il contribue à augmenter le prix des loyers dans des quartiers peu prisés, devenus par ce biais très attractifs.

DES CONSÉQUENCES ÉTENDUES

Le gouvernement considère aujourd’hui le Pinel trop coûteux pour ses finances et surtout inefficace. Le dispositif sera donc officiellement supprimé à compter du 1er janvier 2025 et seuls les investissements réalisés jusqu'au 31 décembre 2024 continueront de bénéficier des avantages fiscaux jusqu'à leur terme. Au 1er janvier, il n'y aura plus aucun dispositif de défiscalisation dédié à la location dans le neuf, car aucune autre mesure de remplacement n’est à l’ordre du jour.

Les effets de sa disparition ne sont pas encore évalués, mais on peut s’attendre à un ralentissement de la dynamique de constructions neuves sur le territoire, notamment en volumes, et par ricochet des répercussions sociales et économiques.

LES PROMOTEURS SE MOBILISENT

Lors de son passage éclair au ministère de l’outre-mer, Philippe Vigier avait annoncé en septembre 2023 la création d’une mission parlementaire permettant de trouver de nouveaux financements pour aider le logement en outre-mer avec l’appui des acteurs locaux afin de déterminer les besoins des citoyens. La crise politique qui perdure depuis a tué dans l’œuf cette idée. La Fédération des promoteurs immobiliers entend cependant monter au créneau. Son président, Pascal Boulanger n’envisage en aucun cas la fin de la niche fiscale : « ce n’est pas le moment de l’arrêter, car 85 à 90 % des investissements des particuliers dans l’immobilier locatif se font grâce à ce dispositif. Actuellement, on fait 4 fois moins de vente en investissement locatif qu’une année normale ».

C’est pourquoi, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025, tant attendu, la FPI entend bien s’appuyer sur ce nouveau rapport de la Cour des comptes pour demander au prochain gouvernement de prolonger le Pinel.
Ann Bouard