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Le président Jovenel Moïse assassiné

09 July 2021
Le président de la République d’Haïti, Jovenel Moïse, a été assassiné dans la nuit de mardi à mercredi, par un commando armé, dans sa résidence privée de Port au Prince. Son épouse Martine Moïse a été blessée et son état de santé a nécessité une évacuation vers un hôpital de Miami. Une attaque qui plonge encore plus le pays dans de profondes incertitudes et confusions dans un contexte de chaos dominé par la violence et les bandes armées.
C’est vers 1 heure, dans la nuit de mardi à mercredi, qu’un commando armé, composé de personnes parlant espagnol et anglais, s’est introduit dans la résidence privée du couple Moïse, à Pétion-Ville, agglomération de la capitale Port au Prince. Des coups de feu ont été tirés, blessant mortellement le président Jovenel Moïse, selon le communiqué adressé par Claude Joseph, Premier ministre sortant. Mercredi matin, peu d’informations n’étaient encore livrées sur cette attaque qui a coûté la vie au président, qui vient ainsi rejoindre la nombreuse liste des présidents haïtiens, renversés, déposés ou assassinés depuis l’indépendance du pays, en 1987.
 
Confusions à tous les niveaux
 
Jovenel Moïse, 53 ans, avait été élu en 2017 pour 5 ans, après qu’une première élection tenue en 2016 ait été annulée pour contestation de fraude et de corruption. Des dates engendrant une première confusion quant à la fin légitime du mandat présidentiel. En effet, ses opposants politiques, mais aussi des organisations de la société civile et des juristes, l’accusaient d’occuper illégalement ses fonctions depuis le 7 février 2021, soit 5 ans après la date des élections, alors que le président Moïse soutenait que son mandat courait jusqu’au 7 février 2022, soit 5 ans après sa prestation de serment, le 7 février 2017. Le président Moïse gouvernait alors depuis ces derniers mois par décret, sans contre-pouvoir. Il avait mis en chantier une réforme constitutionnelle renforçant les prérogatives de l’exécutif, qui devait donner lieu à un référendum initialement prévu en juin dernier et reporté en septembre prochain, du fait de la crise sanitaire.
 
Un nouveau premier ministre nommé sans prise de fonction officielle
 
Jovenel Moïse venait de nommer un nouveau premier ministre, le 7e depuis le début de son mandat, qui avait pour mission d’organiser ce référendum et de former un nouveau gouvernement d’ouverture et de mener à bien les prochaines élections prévues en début d’année 2022. Ce nouveau Premier ministre fraichement nommé, Ariel Henry, n’a pas encore pris ses fonctions officiellement et c’est donc le Premier ministre sortant, Claude Joseph, qui assure l’intérim, mais n’en a plus la légitimité.
 
Qui va assurer l’intérim de la présidence ?
 
La constitution de la république d’Haïti prévoit qu’en cas de vacance subie de son président, l’intérim revient au président de la Cour Suprême. Or, ce dernier est décédé en juin des suites du Covid et n’a pas pour l’heure été remplacé. Dans ce contexte composé d’un mille-feuilles d’incertitudes, faisant redouter un basculement vers le chaos généralisé dans un contexte gangréné par la violence où les gangs et les bandes armées contrôlent une majeure partie de la capitale Port-au-Prince, le Conseil de sécurité de l’ONU, les Etats-Unis et l’Europe considèrent que la tenue d’élections législatives et présidentielle libres et transparentes, d’ici à la fin 2021, est prioritaire. Le Conseil de sécurité de l’ONU organisait une réunion d’urgence hier, en milieu de journée.
 
Etat de siège
 
Le président Jovenel Moïse, accusé d’inaction face à la crise, à la violence et à la mainmise des gangs sur les quartiers les plus pauvres de la capitale, mais aussi d’employer des méthodes dictatoriales dans son mode de gouvernance, était confronté à une vive défiance d’une bonne partie de la population civile. Toutefois, selon les premières analyses recueillies sur place, la question se posait dès les premières heures de son assassinat de savoir qui avait intérêt à éliminer le président Moïse ? Les opposants souhaitaient en effet que Jovenel Moïse soit traduit par la justice pour ses faits de corruptions et de fraudes. Pour l’heure, le premier ministre sortant, Claude Joseph, a décrété l’état de siège, et devient donc, selon l’article 149 de la Constitution, président de fait jusqu’à une nouvelle élection de la présidence.
Selon l’ambassadeur haïtien aux Etats-Unis, le crime aurait été perpétré par des mercenaires "professionnels" s'étant fait passer pour des responsables de l'agence américaine antidrogue. Le directeur général de la police nationale annonçait hier matin que « quatre de ces mercenaires ont été tués et deux autres arrêtés ».