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Augmentation des tarifs d'entrée des déchets à l'Ecosite; la protection de l’environnement a un coût !

13 January 2023

Des augmentations tarifaires ont été observées par les usagers professionnels à l’entrée de déchets à l’Ecosite de Grandes Cayes à Cul de Sac, géré par Verde SXM. En effet, s’agissant des tarifs pour l’entrée des pneus usagés et des déchets des équipements électriques et électroniques, les DEEE, ils ont augmenté de façon conséquente pour les professionnels. Nous avons tenté de décrypter le pourquoi de ces augmentations.

RAPPEL DU CONTEXTE

L’activité principale de l’écosite de Grandes Cayes, communément appelée de façon réductrice « décharge », consiste dans le tri et la gestion des déchets qui sont acheminés sur son site par les particuliers, les professionnels et les services de la Collectivité. Ce sont chaque jour des tonnes de déchets en tous genres qui arrivent sur le site, des déchets ménagers, des déchets verts, des déchets de chantiers, des métaux, etc… et des équipements électriques et électroniques, les fameux DEEE, ainsi que des pneumatiques usagés. Le site de Cul de Sac comprend deux sousensemble, l’installation de Stockage de Déchets Non Dangereux (ISDND) qui concerne les ordures ménagères, les déchets verts, etc. qui peut être assimilée à la décharge gérée par Verde pour la Collectivité, et l’Ecosite de Recyclage- Valorisation, outil développé et exploité par Verde SXM. S’agissant des déchets non dangereux et assimilés, ils sont stockés dans des conditions optimales de sécurité pour l’environnement, encadrées par la réglementation, et sont généralement enfouis dans le sol en supprimant leur contact direct avec le sol à l’aide de membranes complétées d’argile imperméable, et en récupérant les jus polluants et le biogaz issu de leur fermentation par des drains. Tout ce qui n’entre pas dans la catégorie des déchets non dangereux et assimilés passe entre les mains de l’Ecosite pour un traitement à part, soit une valorisation, soit un démantèlement, soit encore pour une expédition vers des usines de traitement ou vers des éco-organismes.

POUR LES PNEUS, L’ECOSITE BÉNÉFICIAIT AUPARAVANT D’UNE DÉROGATION À L’ARRÊTÉ MINISTÉRIEL

S’agissant des pneus usagés, toutefois considérés comme des déchets non dangereux mais qui comportent une forte valeur ajoutée de valorisation et de recyclage*, la gestion et le traitement de leur fin de vie est encadrée depuis 2003 par la loi, sur la base du principe de responsabilité élargie des producteurs (REP), en d’autres termes, le principe « Pollueur-Payeur ». La loi interdit leur mise en décharge dans le but de favoriser leur valorisation et leur recyclage et il est par ailleurs strictement interdit de les abandonner dans la nature. Or, à Saint-Martin, depuis 2011 et jusqu’à 2018, une dérogation avait été accordée par la DEAL afin que la décharge puisse utiliser les pneus de façon contrôlée afin d’agrandir et protéger les alvéoles d’enfouissement des déchets non dangereux. Une dérogation justifiée par la contrainte de l’insularité et la période de développement et de restructuration du site. Les pneus étaient ainsi posés par couches de 60 à 80 cm sur des membranes solides, remplis de graviers et les jus polluants étaient récupérés par des systèmes de drainages. La DEAL a supprimé cette dérogation, et Verde SXM est depuis lors contrainte de suivre à la lettre la réglementation dictée par arrêté ministériel. Il faut savoir qu’en France, le recyclage des pneus usagés est de la responsabilité des producteurs rassemblés au sein de l’éco-organisme de valorisation Aliapur.

LE PRIX D’ENTRÉE DES PNEUS À L’ECOSITE EST PASSÉ DE 95€ À 450€ LA TONNE

Or cet éco-organisme n’est pas présent en Guadeloupe et par conséquent les pneus usagers doivent être expédiés vers l’Hexagone. Non seulement les prix du transport ont considérablement augmenté ces derniers mois, mais encore, la forme et le vide contenu dans un pneu usagé ne permettent pas d’optimiser le volume d’un container. L’addition de ces facteurs, obligation d’expédier les pneus dans un éco-organisme pour leur valorisation et contraintes de transport, a imposé à l’Ecosite de Cul de Sac qui, comme toute entreprise privée est soumise à des logiques de rentabilité, de revoir à la hausse ses prix facturés à l’entrée de son site. « Depuis Irma, et dans un souci de participer à l’effort de reconstruction de l’île, Verde SXM n’avait pas augmenté ses tarifs. Pour des contraintes de rentabilité, nous avons dû réajuster notre grille tarifaire », nous expliquait Patrick Villemin, président historique de Verde SXM jusqu’en cette fin d’année 2022. « Et effectivement pour les pneus usagés, le tarif d’entrée à l’Ecosite est passé de 95 € la tonne à 450 € la tonne », nous confirmait Maxime Arnal, le directeur du site. Une augmentation qui a du mal à passer auprès des importateurs et distributeurs de pneumatiques qui sont de leur côté soumis à la réglementation leur imposant de reprendre les pneus usagés des mains de leurs clients, et a minima « le nombre de pneus usagers doit correspondre au nombre de pneus vendus », indique la loi en la matière. … Maxime Arnal justifiait toutefois le bon placement du prix fixé à l’Ecosite de Saint-Martin eu égard à la contrainte du transport, en le comparant à celui pratiqué en France métropolitaine, qui est de 400€ la tonne… « Sur la filière pneu, malgré cette augmentation de tarif, Verde SXM ne gagne pas d’argent et est tout juste à l’équilibre. Pour être bénéficiaire, il nous faudrait facturer 650 € la tonne », préciset- il.

PRINCIPE DU « POLLUEUR-PAYEUR »

 S’agissant des DEEE, les appareils électriques et électroniques (lave-linge, lave-vaisselle, réfrigérateur, téléviseur, ordinateur, petit électro-ménager, etc.), ils sont régis depuis 2005 par une directive européenne qui impose que tous les produits électriques mis sur le marché doivent porter le logo « poubelle barrée » indiquant qu'il ne faut pas les jeter à la poubelle. En effet, ces déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) sont à la fois une source potentielle de pollution mais aussi de gaspillage s'ils ne sont pas recyclés. Cette directive introduit làaussi pour les équipements électriques et électroniques, la responsabilité élargie des producteurs (REP) qui sont désormais chargés de la collecte, de la dépollution et de la valorisation des DEEE. Les producteurs ont reporté cette charge financière supplémentaire sur le consommateur final à travers l’éco-contribution ou éco-participation qui est appliquée sur chaque prix du produit neuf à la vente. Cette contribution est reversée aux éco-organismes chargés de leur recyclage qui fixent eux-mêmes les prix. En France, 4 organismes principaux ont été missionnés pour prendre en charge ce recyclage qui sont Ecologic, Eco-systèmes et ERP pour les produits généralistes et Recyclum spécialisé dans le recyclage des lampes usagées. Ce sont ces organismes qui fixent le prix de l’écocontribution et dans un souci d’équité, les prix ont été fixés par type d’équipement et en fonction du prix. En moyenne, le montant de l’écoparticipation est de 13€ pour un réfrigérateur et de 6€ pour un lave-linge. Des montants qui sont facturés au client qui achète le produit et le commerçant n’est donc que le collecteur de cette contribution pour la restituer à l’éco-organisme.

PRIX D’ENTRÉE DES DEEE À L’ECOSITE : 450€ LA TONNE

Certains de ces éco-organismes ont des sites de collecte en Guadeloupe ou en Martinique et le coût du transport, bien qu’ayant également subi des augmentations ces derniers mois, reste cependant inférieur par rapport à une expédition vers l’Hexagone. Toutefois, l’Ecosite de Cul de Sac qui n’avait pas augmenté ses tarifs depuis le passage de l’ouragan Irma en 2017 a du là-aussi revoir ses prix à la hausse pour rester rentable. Ainsi, les tarifs d’entrée à l’Ecosite des réfrigérateurs, des lave-linges et autre appareils électriques et électroniques ont augmenté de 200 € la tonne, portant le prix à 450€ la tonne, soit 0.45€ par kilo. Des augmentations difficiles à supporter par les distributeurs de ces produits qui subissent déjà de plein fouet toutes les autres augmentations des coûts inhérents à l’importation de ces produits sur le territoire (le transport et carburant) et qui sont eux-aussi dans l’obligation légale de reprendre à leur clientèle les appareils usagés, selon le principe de « 1 vendu pour 1 repris ». Un distributeur de la place nous informait que pour rester rentable, il allait devoir en moyenne augmenter ses prix de vente de 35 € pour un lave-linge, soit près de 10% d’augmentation sur les produits aux plus bas prix, de 40 à 50€ pour les réfrigérateurs et de 80 à 90€ pour un réfrigérateur américain. Sachant en effet qu’un frigo américain pèse environ 150 kg, le tarif à payer pour le déposer à l’Ecosite sera de 65€ environ.

LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT A UN COÛT

Si les distributeurs vont sans doute devoir réajuster leurs marges pour une répartition de ces coûts supplémentaires, ces augmentations seront in-fine supportées par le consommateur final qui lui n’est pas soumis à des objectifs de rentabilité mais qui voit de plus en plus son pouvoir d’achat se réduire à peau de chagrin. Et c’est le prix à payer pour agir en faveur de la protection de l’environnement.
 

*Le recyclage des pneus

Les pneus usagés réutilisables sont rechapés. Cela consiste à remplacer la bande de roulement usagée du pneu pour restaurer ses capacités et permettre sa réutilisation, notamment pour les pneus de poids-lourds. Les pneus usagés non réutilisables, quant à eux, peuvent être valorisés de plusieurs façons, entiers, en morceaux ou broyés. Parmi les modes de valorisation, on compte : le soutien de bâche d'ensilage en milieu agricole (le plus visible) ; la constitution de remblais routiers ou de constructions et de drains ; le support de voie ferrée, pour réduire les vibrations et le bruit ; les aires de jeux amortissantes et le gazon synthétique pour stade de sport ; les combustibles et matières premières pour les cimenteries et aciéries ; les objets moulés (ex : roue de caddies).