Gestion du risque « Requin » : le projet One Shark
Par Ann Bouard
08 February 2022
En décembre 2020 une baigneuse succombait aux morsures d’un requin tigre dans les eaux de la Baie Orientale. Un mois plus tard, une autre jeune femme était attaquée par un requin à St Kitts. Plusieurs hypothèses avaient été émises dont l’une envisageait que ce soit le même requin. Les scientifiques se sont penchés sur la question et ont oeuvré, discrètement, pendant un an. Aujourd’hui, le fait est avéré. C’est le même requin dans les deux cas et cette découverte donne naissance à un projet, One Shark, pour une meilleure gestion du risque.
L’hypothèse du requin déviant pouvant se déplacer, rapidement, et reproduire un comportement anormal était celle d’Éric Clua, vétérinaire et docteur en biologie marine, spécialisé en écologie comportementale des grands squales. Depuis 2007 il étudie le comportement des requins mais ses travaux allaient jusqu’à présent à l’encontre de la majorité des thèses. Il développe en effet une approche basée sur le fait que comme dans toute race, un individu peut être déviant.
Faire parler l’ADN des requins : une première innovante
Le Progenir (Profilage Génétique Individuel des Requins) avait déjà élaboré différents schémas de gestion du risque parmi lesquels le développement d’une médecine médico-légale, qui intègrerait le recueil systématique de l’ADN du requin mordeur. Dans le cas des deux attaques dans les eaux antillaises, le réseau des vétérinaires s’est mobilisé. L’ADN a été prélevé sur les deux victimes avec cependant une difficulté supplémentaire, celle de travailler sur un ADN altéré par son séjour dans l’eau. Les deux échantillons ont été envoyés au Criobe (centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement) à Perpignan. Aux termes de plusieurs analyses, les scientifiques ont pu déterminer, selon une probabilité de 95%, que c’était le même requin dans les deux cas. Cela confirme donc la thèse d’Éric Clua et constitue une première démarche novatrice dans la gestion du « risque requin ».
Pêcheurs et plongeurs pour identifier les individus
Selon les études d’Éric Clua, le propre du requin tigre est de revenir dans les mêmes eaux tous les deux ou trois ans. L’état et la Collectivité de Saint-Martin ont donc décidé d’engager une étude plus pointue pour approfondir les connaissances et mieux appréhender les dangers. Le projet One Shark débute dès ce mois-ci à Saint-Martin et bénéficie pour cette première étape d’un financement de 180 000 € de la Collectivité et de 300 000 € sur les fonds de convergence de l’État.
En impliquant la société civile, pêcheurs et plongeurs en premier lieu, le projet One Shark va permettre de mettre en place une pêche de routine, non létale, chaque semaine et qui s’intensifiera à l’approche de l’été. Cette pêche permettra de marquer la dorsale de chaque requin, comme un QR code. Un protocole sera également développé afin de récupérer l’ADN du requin, mais aussi pour apprendre à faire des garrots en cas d’attaque (ce qui peut sauver une vie). L’ADN permettra de repérer l’individu au sein de l’espèce et d’isoler son profil génétique. Cette correspondance génétique locale s‘étendra ensuite à toute la région afin de tenir compte de la mobilité importante de certaines espèces et d’éliminer, à terme, l’individu. En effet One Shark est un projet d’envergure qui devrait d’ici la fin de l’année concerner toute la zone Caraïbe avec le développement de centres de suivi.
En impliquant la société civile, pêcheurs et plongeurs en premier lieu, le projet One Shark va permettre de mettre en place une pêche de routine, non létale, chaque semaine et qui s’intensifiera à l’approche de l’été. Cette pêche permettra de marquer la dorsale de chaque requin, comme un QR code. Un protocole sera également développé afin de récupérer l’ADN du requin, mais aussi pour apprendre à faire des garrots en cas d’attaque (ce qui peut sauver une vie). L’ADN permettra de repérer l’individu au sein de l’espèce et d’isoler son profil génétique. Cette correspondance génétique locale s‘étendra ensuite à toute la région afin de tenir compte de la mobilité importante de certaines espèces et d’éliminer, à terme, l’individu. En effet One Shark est un projet d’envergure qui devrait d’ici la fin de l’année concerner toute la zone Caraïbe avec le développement de centres de suivi.
Éliminer la peur et gérer la situation
On l’aura compris, l’idée n’est pas d’exterminer tous les requins, en pratiquant une pêche aveugle, au même titre que l'on n'élimine pas tous les humains lorsqu’un serial-killer passe à l’acte, car les requins sont essentiels à l’écosystème marin. Les eaux de la Caraïbe abritent une grande diversité de requins dont certaines espèces peuvent évoluer dans des eaux peu profondes, proches du littoral. Un grand nombre est présent en permanence dans le canal d’Anguilla mais de nature le requin a peur de l’homme. Quelques gestes et réflexes sont à appliquer comme être accompagné si l’on nage au large, ne pas paniquer en cas de rencontre avec un requin et s’en éloigner calmement sans le perdre de vue … sans oublier que les attaques de requins sont extrêmement rares.
Le projet One Shark moteur de l’Institut Caribéen de la Biodiversité Insulaire ? |
Le projet One Shark sera dans un premier temps constitué en GIP (groupement d’intérêt professionnel) et hébergé dans les locaux de la Préfecture. Mais l’objectif est d’aller plus loin. Selon les propos même du Préfet, il pourrait s’inscrire dans un programme beaucoup plus ambitieux et constituer le premier point d’appui de l’Institut Caribéen de la Biodiversité Insulaire. Comme l’indique Serge Gouteryon, il faut changer les mentalités. Saint -Martin dispose d’un patrimoine naturel qu’il faut connaitre, valoriser et gérer. C’est ce patrimoine qui pourrait rendre la destination encore plus attractive. |
Ann Bouard