Une queue de poisson qui tourne au vinaigre

Les incivilités et comportements associés sur la route peuvent mener jusqu’au banc du tribunal. Trois hommes comparaissaient en effet la semaine dernière devant le tribunal de Saint-Martin pour des faits qualifiés de "violence commise en réunion" et menace avec une arme pour l’un d’entre eux. Les trois étaient à la fois prévenus et victimes.
Deux prévenus comparaissaient pour violence commise en réunion le 10 décembre 2022, ayant entraîné une incapacité de travail de huit jours pour l’auteur principal, et le 3e prévenu (également victime), lui pour avoir eu recours à de la violence avec menace d’un tesson de bouteille sans incapacité... Au départ de cette affaire, une simple queue de poisson, mais un crime de lèse-majesté pour les offensés et une riposte par un expert en arts martiaux.
Le crime de lèse-majesté, qui n’est pas la seule infraction au code de la route à Saint-Martin (une queue de poisson !) aurait été perpétré par un automobiliste sur un autre automobiliste et son passager.
Un peu alcoolisés et fous furieux de l’affront, les deux comparses seraient sortis de la voiture pour injurier copieusement le fautif et en découdre physiquement avec lui. Un témoin de la scène, un agent de sécurité est même choqué par la violence des coups s’abattant sur celui qu’il qualifie de victime.... Sauf que la victime présumée experte en arts martiaux, aurait décidé de ne pas se laisser faire blessant un des assaillants au visage avec un tesson de bouteille pour le repousser...
Le ministère public exaspéré par la conduite de certains automobilistes
Le ministère public se désole : “on en a assez des donneurs de leçons qui déversent leur agressivité sur la route” constatant une extrême violence dans les deux camps tout en s’interrogeant sur le caractère intentionnel des actes commis par les trois prévenus, défendus avec conviction par leurs avocats respectifs.
L’avocat du premier conducteur offensé par la queue de poisson et égratigné par le tesson de bouteille, plaide avec photo à l’appui pour son client, l’absence de proportionnalité avec le recours à cette arme par destination contre ce dernier : “il frappait avec rage contre mon client dont le visage est tuméfié”, précisant que la victime présumée, auteur de la riposte, serait a fortiori experte en judo sur les tatamis.
L’avocate du barreau de Guadeloupe du 3e “prévenu-victime” a quant à elle, argumenté que son client, n’aurait pas été informé de la déclaration des deux autres auteurs, que l’enquête aurait pris du temps ne jouant pas en faveur de son client. Elle déplore l’effacement de la vidéo-surveillance où la Cour aurait pu se rendre compte de la violence des coups des auteurs présumés, que son client tentait tout logiquement de repousser. Pour elle, la légitime défense est justifiée, car son client seul, se serait senti menacé dans son intégrité physique, poursuivi par ces deux hommes, utilisant pour se défendre ce qui se trouvait à sa disposition, un tesson de bouteille. Pour le conseil, la menace était réelle (tout montre qu’il tentait de fuir) et le principe de proportionnalité (peut être plus discutable pour la nécessité) est clairement établi. Elle a précisé que son client ne pouvait faire usage de son art martial en dehors des tatamis, réclamant la relaxe de ce dernier, victime dans cette affaire et de la nécessité pour ce saisonnier “ne roulant pas sur l’or” de conserver un casier judiciaire vierge pour son activité.
Le ministère public a requis, au vu de l’absence de casier judiciaire respectif, 100 jours-amendes pour les trois prévenus et un renvoi sur les intérêts civils. L’affaire a été mise en délibéré le 15 mai 2025.
