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BTP : crever l’abcès

Par Ann Bouard
15 April 2025

L’adage « quand le bâtiment va tout va » n’est pas anodin, car le BTP est un bon indicateur de la santé économique d’un territoire. À Saint-Martin, le BTP va mal et ses représentants sont inquiets. Les problèmes de la filière étaient au cœur des débats de la rencontre organisée par la FIPCOM-MEDEF samedi dernier entre acteurs économiques et pouvoirs publics, Collectivité et État.

C’est en effet le rôle que s’est fixé la Fipcom-Medef ; celui de mettre face à face entrepreneurs et décideurs afin d’exposer les problèmes pour les premiers et donner des pistes de solutions pour les seconds. Dans le contexte politique actuel, évoqué en introduction par Michel Vogel, président de Fipcom-Medef Saint-Martin, et financier, avec les difficultés auxquelles est confrontée la Collectivité, et sur lesquelles le Président Mussington s’est justifié, beaucoup de questions ont été soulevées… mais toutes n’ont pas trouvé réponse.

Redynamiser le secteur du BTP, oui mais …

Le président et le secrétaire de l’association des entreprises du BTP ont fait part des inquiétudes de la filière et en premier lieu quant à la capacité de la Collectivité à régler les entreprises : « depuis 2023 les délais de règlement ne cessent de s’allonger, allant de six mois à un an ». En effet, selon la présidente de la CCISM, Saint-Martin a les délais de paiement les plus longs de tout l’outre-mer !
Le choix des entreprises pour la réalisation des travaux est un autre sujet de préoccupation, car « les projets sont taillés pour les grands groupes et pas adaptés au tissu local ». Les entreprises doivent justifier d’un certain chiffre d’affaires pour accéder aux appels d’offres, et ce quand elles en ont connaissance dans les délais. Sur les macros lots, les entreprises saint-martinoises ne pourront être au mieux que sous-traitantes et leurs représentants estiment que sur les millions annoncés pour la construction, elles n’y trouveront pas leur compte. Alors que des choix pourraient être faits. Pour exemple ; les voies secondaires en partie hollandaise sont en béton, car les entreprises locales sont en mesure de les réaliser. La partie française a fait le choix de l’asphalte et là encore ce sont les grosses entreprises extérieures qui réalisent les travaux.
Le BTP est dans l’attente de beaucoup de choses, et s’avoue très inquiet suite à la publication du rapport de la Chambre Territoriale des Comptes, d’autant que les propos du président de la Collectivité dans son discours d’introduction, n’étaient pas rassurants. Il a indiqué que la Collectivité n’était pas en mesure de construire l’EPHAD dans l’immédiat, ni même la cité administrative, sans l’aide de partenaires privés.

Création d’un observatoire de la commande publique, oui mais …

Le BTP avait demandé la création d’un observatoire de la commande publique. Un sujet sur lequel a rebondi la présidente de la CCISM, car s’il voit le jour, il ne sera opérationnel au mieux que dans un an voire plus. Elle a suggéré de créer dans l’attente une lettre d’information regroupant tous les appels d’offres à venir, afin que les entreprises aient le temps de monter leur dossier. Actuellement, elles ont seulement un mois pour le faire, ce qui n’est pas suffisant. Elle demande à la Collectivité dans un premier temps de voir le solde de ce qui reste à payer au BTP, car ces paiements hasardeux refroidissent les banques, qui ne suivent plus. « Aujourd’hui les poches sont vides », et elle suggère de trouver une méthode pour que les entreprises extérieures, qui prennent les marchés, s’inscrivent à la CCISM et payent leurs taxes sur le territoire, ce qui n’est actuellement pas le cas.
Si Louis Mussington a indiqué de ne pas avoir de difficulté à comprendre les problèmes abordés, sur la commande publique, il admet que cela a été évoqué sans toutefois aller plus loin. « Il y a effectivement un problème de fond, d’allotissements entre les micros lots et les macros lots ». Pour le Président la solution est à trouver avec la Préfecture. Mais pour le préfet, il faut en premier lieu maîtriser l’ingénierie de montage des dossiers pour aller chercher les fonds communautaires. Il s’est dit prêt à travailler avec toutes les filières, dont le BTP, sur ce sujet. Quant à l’observatoire de la commande publique, il a indiqué que celui-ci pourrait être créé sans en référer à Paris.

Construire des logements sociaux, oui mais…

La construction de logements, et notamment de logements sociaux, est aussi l’affaire du BTP.  Pour Jean-Paul Fischer, sur le territoire, 60 à 70% de la population peut prétendre au logement social, et la file active en attente est de près de 4000 personnes. Or, seulement 18 logements ont été produits depuis 2018 (150 en Guadeloupe), ce qui prouve que ce modèle économique est à bout de souffle selon le président d’Initiative Saint-Martin, qui suggère de mener une réflexion sur la typologie même des logements et leur mode de construction ; « sans réforme urgente il n’y aura pas de logements sociaux ».
À ce jour 14 logements sont prévus à Friar’s Bay, un projet mature selon la directrice de l’Habitat et du logement de la Collectivité. Du côté des bailleurs sociaux les projets de Morne Valois porté par Sikoa et de Chevrise porté par la Semsamar sont eux souhaités dans les meilleurs délais.
Mais la Semsamar se projette déjà à l’horizon 2030. L’acquisition du foncier, les études de faisabilité prennent du temps et il y a des blocages à lever, estime son directeur du service opérationnel construction et aménagement. Aujourd’hui, le foncier coûte 80€ à 350€ du m2, mais la construction est passée de 1700€ du m2 en 2017 à 2900€ du m2. Le PLH (programme local de l’habitat) est lui applicable depuis le 1er janvier 2025.

Vers un territoire plus respectueux de l’environnement, oui mais …

Le plan d’occupation des sols (POS) est en cours de modification, mais nécessite encore le passage d’un écologue (expert des écosystèmes) et sera présenté au conseil territorial en 2026 a indiqué la directrice du département développement urbain et habitat de la Collectivité. Le code de l’urbanisme, dont les architectes demandent la révision, a lui été détaillé en juin aux membres du conseil territorial.
Le territoire doit s’orienter vers des pratiques plus éco-responsables, mais cependant soumises d’autres problématiques, comme l’énergie ; un autre sujet qui fait lui aussi débat. A suivre.

Ann Bouard