Vers une volonté de l’Etat de structurer et de développer la filière agricole
Tributaire de sa mono-industrie touristique, le territoire de Saint-Martin souffre pour l’heure d’une économie en berne. L’ouragan Irma qui a engendré une pause forcée dans le tourisme a permis aussi de soulever la trop forte dépendance du territoire vis-à-vis de ce secteur. L'heure est à la réflexion de la structuration et du développement de nouvelles filières, avec en tête de liste, l’agriculture
Nous avons rencontré Delphine Di Bari, adjointe au chef de l’unité territoriale de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, de la Direction de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt de Guadeloupe (DAAF). Arrivée en avril dernier sur le territoire, Delphine Di Bari, ingénieur de l’agriculture et de l’environnement, placée sous la ligne directrice de la Préfète Feucher, a pour mission de structurer la filière de l’élevage et de l’agriculture dans son ensemble.
Une mission que la Préfète déléguée souhaite rendre prioritaire, tant les besoins sont importants pour diversifier l’économie, mais aussi parvenir à une plus forte autosuffisance alimentaire. Un secteur qui peut par ailleurs créer une à forte valeur ajoutée en termes de créations d’emplois. Un état des lieux des exploitations agricoles existantes (lire en encadré), a mis en évidence la fragilité du secteur, lequel, contraint par un défaut de moyens financiers et le peu de volonté marquée par les politiques publiques successives, n’a jamais été en mesure de se développer. Le secteur subit par ailleurs la forte pression foncière, ainsi que les coûts élevés de l’eau et des aliments pour animaux.
LA FILIÈRE ANÉANTIE PAR LE CYCLONE
Un constat encore aggravé par le passage de l’ouragan Irma qui a détruit les structures et les fourrages et fait de nombreuses victimes parmi les animaux.
« Suite au passage de l’ouragan, les premières estimations déclaratives par les sinistrés des dégâts s’élevaient à environ 2 millions d’euros de pertes de fonds et de revenus, avec près de 30% des animaux de la filière d’élevage qui auraient été perdus (environ 300 petits ruminants et plus de 2000 volailles) », nous indique Delphine Di Bari. Un fonds de secours pour l'outre-mer a permis d'indemniser certains exploitants pour remettre d’aplomb leur exploitation. L’abattoir a également été endommagé et n’est pour l’heure pas réparé. Il a toutefois été remis en état de fonctionner grâce notamment à l’intervention des jeunes du RSMA. « Toutefois, ce pilier de la filière viande à Saint-Martin, garant d’une filière organisée et sécurisée et de surcroît nécessaire au débouché des productions locales ainsi qu’à l’alimentation de la population par des produits locaux de qualité sanitaire maîtrisée, mérite réellement qu’une solution financière soit dégagée par la Collectivité qui en est propriétaire pour que les réparations soient complètes », explique Delphine Di Bari.
CRÉATION D’UN COMITÉ D’ORIENTATION DÉDIÉ
Par arrêté préfectoral du 23 juillet dernier, le Comité d’Orientation Stratégique et de Développement Agricole (COSDA) a été créé conformément à l’article L.183-5 du code rural et de la pêche maritime. Présidé conjointement par la Préfète déléguée et le Président du Conseil territorial, le COSDA qui sera officiellement installé le 21 septembre prochain devra se réunir au moins deux fois et travailler à la mise en place d’une véritable politique de développement agricole. Ses actions se concentreront dans un premier temps sur les problématiques visant à protéger le foncier agricole, à le valoriser et à y installer de jeunes agriculteurs, sur des terrains où la tentation d’urbanisation est importante. Considéré comme une « véritable chance pour Saint-Martin » par la Préfète Sylvie Feucher et l’ingénieur agricole Delphine Di Bari, ce comité va permettre la coordination des actions de l’ensemble des acteurs ainsi que des interventions de l’État et de la collectivité en matière d’aides agricoles.
Une enveloppe de 3 millions d’euros du FEADER
Delphine Di Bari rappelle également que « en ce qui concerne le financement des projets de développement agricole à Saint-Martin, l’ensemble de l’enveloppe dédiée au territoire du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), représentant 3 millions d’euros, a été confiée au groupe d’action local (GAL), porté par la Collectivité, responsable du programme LEADER pour Saint-Martin. Les projets bénéficiant de financements à ce titre seront portés à la connaissance du COSDA pour optimiser la coordination des actions et des fonds publics dédiés au développement agricole sur le territoire ».
ETAT DES LIEUX DE LA FILIÈRE
Actuellement, l’agriculture à Saint-Martin c’est : - 45 exploitations, dont 13 élevages de bovins allaitants (RA 2010) - 482 bovins, 780 caprins, 198 ovins, 131 porcins, 1042 volailles (recensement EDE 2017) - 267,75 ha de surface agricole utilisée (RPG 2017) sur 305,95 ha de surface classée en zone agricole (POS) pour une surface totale du territoire de 5320 ha, soit environ 5 % du territoire en surface agricole utile. Le secteur agricole de Saint-Martin est essentiellement concentré sur l’élevage de ruminants, notamment de bovins viande (environ 500 têtes), et de manière moins organisée d’ovins et de caprins, ainsi que quelques jardins créoles et un peu de productions hors-sol (volailles, porcins et hydroponie).