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Annick Pétrus : l’hôpital, un combat qu’elle entend mener à terme

Par Ann Bouard
17 January 2025

Le centre hospitalier Louis Constant Fleming est malade. Qualité des soins jugée insuffisante par la Haute Autorité de santé, problème de gouvernance, condamnation pour favoritisme par le tribunal administratif, arrêt des travaux d’extension, analyses envoyées côté hollandais… la liste est longue et c’est la population qui souffre de ces manquements. Rencontre avec Annick Pétrus qui a fait de l’hôpital et de la santé de la population son combat et sa priorité pour 2025.

En décembre, la sénatrice avait alerté toutes les autorités locales et régionales sur l’ensemble des problématiques de l’hôpital. Le 2 janvier, elle était reçue par le Préfet de région et par le directeur de l’ARS en Guadeloupe pour aborder trois sujets cruciaux : l’arrêt des travaux du nouveau bâtiment, l’inspection demandée à l’ANAP et le problème de gouvernance. Une rencontre nécessaire, car l’ARS est seule décisionnaire des mesures prises pour la santé et le Préfet de région est l’autorité de gestion des fonds Feder.

Chantier à l’arrêt et inspections en cours

Le projet d’extension de l’hôpital représente des millions d’euros et les appels d’offres pour le marché sont donc ouverts. Mais « si on ne choisit pas, on ne prend pas le plus mauvais, parce que c'est l’avis de la directrice » indique la sénatrice. Elle a d’ailleurs posé la question au Préfet de région : « comment a-t-on pu donner des fonds Feder à une entreprise lituanienne basée à Saint-Barthélemy, qui avait un seul employé, sans s'assurer qu'elle avait une garantie financière ? ». Il y a un minimum de vérification interne avant d'attribuer un marché et cela n’a pas été fait, regrette-t-elle. Aujourd’hui le futur bâtiment est à l’arrêt, il faut casser ce qui a été fait et ce sont 2,7 M€ de fonds Feder qui partent à la trappe. Une expertise technique et judiciaire est en cours pour déterminer la suite à donner au chantier. Le cabinet mandaté rendra ses conclusions dans le courant du trimestre.

La sénatrice avait demandé l’intervention de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), mais c’est l’ANAP (Agence Nationale d'Appui à la Performance des établissements de santé et médico-sociaux) qui a été envoyée. Elle tient cependant à ce que l’IGAS établisse un rapport, sauf si, dit-elle, le rapport de l'ANAP lui convient. L’inspection débute en ce mois de janvier et les conclusions seront déterminantes pour décider notamment de l’avenir de la gouvernance de l’hôpital.

Autre point, en octobre 2023, le rapport de la Haute Autorité de Santé, avait qualifié la qualité des soins, insuffisante. Une nouvelle visite de la HAS devrait donc être programmée d’ici la fin de l’année.

Changement de gouvernance nécessaire

Le problème du manque de gouvernance est en effet le point névralgique le plus urgent. La directrice en poste est en arrêt maladie depuis juillet 2023, arrêt qu’elle reconduit de 3 mois en 3 mois. Pour Annick Pétrus, « elle n'a fait que plomber l'hôpital depuis qu'elle est là ». « La question de son remplacement a donc été posée lors de la réunion, d’autant que l’intérim ne peut être que provisoire, car cela ne fonctionne pas ». En effet, l’hôpital de Saint-Barthélemy se trouve privé de son directeur trois jours par semaine au profit de celui de Saint-Martin, où il n’a le temps que de gérer les affaires courantes. Un directeur pour deux postes est au détriment des deux hôpitaux. L’ARS et le Préfet de région ont laissé entendre qu’une nomination d’un directeur, ou d’une directrice est prévue prochainement sans toutefois préciser la date.

Très agacée de cette attitude, qu’elle qualifie de « wrong and strong » (ils ont tort, mais persistent à vouloir avoir raison coûte que coûte), la sénatrice l’affirme, elle ne lâchera pas le sujet, car «  il faut que l’on sache ce qui se passe à l'hôpital »,  quitte à relancer la question au Sénat tous les mois. D’autant plus agacée que l’hôpital l’a attaqué en justice pour diffamation ; ce qui est le cas également du 4e vice-président de la Collectivité, Michel Petit. Mais pour Annick Pétrus, c’est toujours la même personne qui est derrière ces agissements. La sénatrice ne mâche pas ses mots : « Madame Lampis se présente comme irréprochable et reçoit même des médailles, mais il va falloir qu’elle justifie sa position, et peu importe son influence, je ne vais pas m’arrêter et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que l’équipe de direction s’en aille ». Le directeur de l’ARS est bien conscient qu’il faut agir rapidement.

Mais il y a aussi des mesures à prendre rapidement concernant certaines situations internes, notamment des relations personnelles ou des comportements jugés inappropriés et qui ont suscité des interrogations. La sénatrice indique par ailleurs que certains médecins doivent arrêter d’exercer et qu’il est nécessaire que l’on s’assure de la compétence et de l’éthique des personnes occupant des postes clés.

Un bateau sans capitaine

De nombreux projets annoncés pour l’hôpital sont au point mort, comme l’installation d’un scanner, la rénovation des urgences ou encore l’ouverture de nouveaux services. Ces projets, prévus depuis des années, sont bloqués en raison de ce problème de gouvernance. L’absence de direction est préoccupante pour la sénatrice qui précise que tout repose sur l’ARS, qui est en quelque sorte « le préfet de la santé ». Malgré des annonces répétées, il est évident qu’il y a un manque de volonté d’agir pour améliorer la situation. Pour Annick Pétrus, cela ne peut pas continuer ainsi, et elle a décidé de s’en remettre non plus au directeur de l’ARS, mais directement au ministre de la Santé.

« Je continuerai à défendre les intérêts des patients qui ont droit à un minimum de prise en charge. La situation actuelle représente une perte de chances pour beaucoup, et cela est inacceptable. Je ferai tout mon possible pour que les réformes nécessaires soient mises en œuvre, car il en va de la santé et de la dignité des citoyens », conclut la sénatrice

Ann Bouard