CERFA, le passage obligé pour rejoindre les championnats de France
Roland Seux, directeur du Centre d’Elite de la Région Françaises d’Amérique est allé à la rencontre des joueurs, des éducateurs et des familles la semaine dernière. Objectif : expliquer la vision de ce centre de formation exigeant, et tenter de repérer de nouveaux talents
« ON NE VEUT LOUPER PERSONNE »
Si les prouesses de joueurs comme Mbappé ou Messi ont de quoi laisser songeur, pour les jeunes Saint-Martinois, le chemin vers le haut niveau peut sembler parsemé d’embûches. Sans infrastructures suffisantes, difficile en effet d’atteindre l’excellent niveau requis pour espérer jouer en championnat de France. Et c’est précisément pour cette raison qu’un centre de formation régional a été créé en Guadeloupe avec l’ambition de réduire significativement cet écart et donner sa chance à tous : «On ne veut louper personne », explique Aristide Conner qui dirige la ligue de football à Saint-Martin. Vendredi dernier, il recevait Roland Seux, directeur dudit CERFA, venu évaluer le niveau des joueurs et expliquer aux familles le mode de fonctionnement de ce centre d’élite accueillant sa 5ème promotion: «Ce centre est un projet réellement unique et novateur, explique-t-il. Il y a quelques années, les dirigeants de clubs se demandaient comment accompagner nos jeunes sportifs après le collège qui correspond en Métropole à l’entrée en centre de formation. L’absence de structure rendait l’ascension quasi impossible parce qu’il n’y avait pas de structure de haut niveau pour les prendre en charge ensuite». C’est donc grâce à un accord entre les différentes ligues qu’il a finalement été possible de sortir du statu quo pour emmener les jeunes de Martinique, Guadeloupe, Guyane, Saint-Martin et Saint-Pierre et Miquelon à «la marche d’après ». Grâce au CERFA, un jeune talent peut désormais être repéré rapidement et rejoindre un des centres de Métropole. Titulaire d’un CAPES et d’une maitrise, Roland Seux applique strictement le cahier des charges de la FFF, avec tout de même une particularité spécifique à la région: faute d’accès au championnat de France, les U15 doivent jouer contre des U19, et les U17 et U18 n’ont d’autre choix que de se mesurer aux seniors jouant en R1 (plus haut niveau pour la Guadeloupe), âgés de 24, 25 ans voire parfois 30 !
36 PLACES SEULEMENT
Depuis l’ouverture du centre, 1500 jeunes en catégorie U15 ont tenté de faire partie des 36 joueurs sélectionnés. 500 Martiniquais, 500 Guadeloupéens, 400 Guyanais et 50 Saint-Martinois. Au final, 2 Guyanais, 13 Martiniquais, 20 Guadeloupéens et seulement 1 Saint-Martinois y sont parvenus :«Il n’y a pas de place réservée, prévient l’entraineur Roland Seux, cela se fait uniquement au mérite et au coup d’oeil du staff. J’ai vu des garçons dribler à Saint-Martin et je vais être honnête, il y a du retard. Mais les jeunes ont envie et ont la chance de ne pas encore être saturés de ballon. On peut donc aller chercher la marge».
1 PROFESSIONNEL POUR 1000 CANDIDATS
Le centre recherche avant tout des jeunes avec un bon état d’esprit, un sens du collectif, et une bonne assiduité scolaire. Jusqu’alors ouvert à la filière générale, le CERFA sera bientôt accessible aux élèves de STMG afin de permettre aux jeunes en difficulté de poursuivre leur projet sportif. «On n’est pas une usine à champions, nuance le directeur. La statistique est de 1 professionnel pour 1000 joueurs, renforce-t-il, et sur les 150 jeunes passés par le CERFA, 56 sont partis réaliser des essais, 11 ont signé un contrat de stagiaire de 2-3 ans, et parmi eux, 2 ont signé en tant que professionnels à Dijon et Strasbourg. Un jeune Martiniquais a même marqué son tout premier but contre Marseille récemment». Le coach-entraineur insiste, le parcours des jeunes reste incertain et chaotique, mais leur formation leur ouvre différentes alternatives pour l’avenir: devenir journaliste sportif, avocat en droit du sport, arbitre, etc.
ADJANI, PREMIER SAINT-MARTINOIS À INTÉGRER LE CENTRE
Du côté de Saint-Martin, Adjani Van Putten fait office de précurseur. L’ancien capitaine passé par les inter-ligues en Guadeloupe, accompagné par le conseiller technique Gilles Petit, a aussi eu la chance de rejoindre Clairefontaine avec les U15: «Le coach Roland m’a donné beaucoup de conseils sur mon jeu et encouragé à plus me faire voir, raconte le joueur. Mes 3 premiers mois au CERFA ont été difficiles parce que les autres avaient beaucoup d’avance sur moi. Mais à partir de décembre, j’ai commencé à progresser, et à la fin de cette saison, j’irai faire un essai à Metz».
COMMENT ÇA MARCHE ?
Une fois qu’ils ont décroché le Saint Graal, les 36 jeunes se retrouvent en immersion complète toute l’année scolaire au lycée Baimbridge des Abymes, et ne rentrent à Saint-Martin que lors des vacances. Au programme, des cours de 7h à 15h au lycée, et de la pratique au CREPS. Il s’agit pour eux de rattraper «l’écart monstrueux » qui existe entre les clubs professionnels qui cumulent 180 entrainements par an, contre 70 dans un club classique, et donc avec 160 d’entre eux pour les stagiaires ultramarins :«Je suis venu repérer des 2009 dont une quarantaine ira avec moi en Guadeloupe la semaine prochaine pour les inter-ligues. Une vingtaine d’entre eux partira ensuite à Clairefontaine avant un stage probatoire du 8 au 10 mai en immersion avant que je fasse mon choix». Rejoindre le haut niveau n’est pas sans sacrifices donc. Éloignement de la famille, compétition effrénée, blessures… Une psychologue a d’ailleurs rejoint les équipes du centre pour suivre les enfants et les aider à supporter cette pression. «Pour réussir, reprend le directeur, un jeune a avant tout besoin d’être bien dans son projet. Il a aussi besoin de sa famille et d’un bon encadrement. Il faut donc s’assurer que ce soit bien l’envie du petit, et que le football lui fasse réellement briller les yeux.»