Corruption et pots de vin à la Préfecture
Seize personnes étaient citées à comparaître hier devant le tribunal de Saint-Martin pour corruption de fonctionnaire et aide au maintien sur le territoire de personnes étrangères en situation irrégulière. Une audience fleuve, pour déterminer l’implication et le mode opératoire d’une employée de la préfecture, de trois intermédiaires et de douze ressortissants étrangers ayant bénéficié de titres de séjour.
Après l’appel de toutes les personnes convoquées, deux personnes étaient absentes et quatre ont bénéficié d’un report au mois de juin à la demande de leurs avocats, le tribunal a décidé malgré tout d’instruire ce dossier compliqué … ne serait-ce que par la citation à la barre de toutes les personnes concernées, des trois interprètes nécessaires pour traduire en espagnol, anglais et créole, une seule personne maitrisant le français, et de la dizaine d’avocats dont la plupart intervenaient dans le cadre de l’aide juridictionnelle.
TROIS INTERMÉDIAIRES RECRUTEURS
Les faits se sont déroulés entre mars 2016 et mars 2017. Les intermédiaires, dont deux étaient présents à l’audience, se chargeaient de remettre le dossier de demande de titre de séjour à une employée de la préfecture moyennant rémunération. Sous prétexte d’accélérer les démarches, les postulants devaient remettre en espèces entre 2000 $ et 3500 € selon les personnes et selon le nombre d’intermédiaires impliqués. Les sommes énoncées sont variables selon les dépositions et si dans un premier temps chacun d’entre eux a affirmé reverser l’intégralité pour frais de dossier et rémunération de l’employée de la préfecture, au final, ils ont avoué garder pour eux une partie de la somme.
DES ÉTRANGERS CRÉDULES
Pour la moitié originaires de la République Dominicaine, et habitués à ce que dans leur pays les services se monnayent, n’ont pas jugé étrange de devoir payer pour obtenir leurs papiers. Ne pouvant justifier d’une durée de séjour suffisante sur le territoire français, ou d’un enfant né ou scolarisé à Saint-Martin, tous avaient vu leur demande refusée et cette solution leur semblait être la seule pour régulariser leur situation et travailler en toute légalité.
Certains ont même paru surpris d’apprendre que le coût des timbres fiscaux, seule somme à débourser, étaient de 269 € et de 50 €. Mais, il est vrai que le système avait de quoi les satisfaire car le récépissé de carte de séjour était délivré le jour même de la demande, dès remise de la somme demandé. Et pas besoin de faire la queue à la Préfecture, il était remis directement par l’un des intermédiaire.
UNE FONCTIONNAIRE MISE EN CAUSE
La procédure veut que chaque dossier de demande de titre de séjour soit instruit par plusieurs agents de la Préfecture. Dans les cas présents, les dossiers ont tous été constitués par une seule personne, une fonctionnaire qui justifie de plus de trente ans dans le service public et détachée auprès du service des étrangers de la préfecture depuis 2014. Les dysfonctionnements ont débuté un an après son arrivée. Depuis la mise à jour de l’affaire, aucun autre Les dysfonctionnements n’a été constaté, mais des investigations sont toujours en cours. Elle reconnait à la barre avoir touché des pots de vins, entre 150 et 200 euros par dossier, entre 1000 et 3000 euros selon les autres prévenus. Elle aurait constitué des dossiers incomplets, avec des justificatifs falsifiés et passé outre les alertes du logiciel de la préfecture qui se déclenchent lorsque la personne a déjà fait l’objet d’un refus pour délivrer des titres de séjour de 3 mois à 10 ans. Outre les sept personnes qui lui ont été adressées par les intermédiaires, elle a également de son propre chef aidé un ressortissant de Sainte Lucie en lui délivrant un récépissé de carte de séjour contre 600 €. Une affaire fleuve qui aura occupé le tribunal une bonne partie de cette journée de jeudi et pour laquelle le délibéré a été reporté au jeudi 21 mars prochain, à 8h30.