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Eau polluée aux bromates : Installation de générateurs de bioxyde de chlore pour un retour à la normale en fin d’année

30 August 2019
Détectée le 20 juin dernier, la crise de l’eau polluée aux bromates entre dans son troisième mois. Le directeur de la SAUR, Jean-Marie Giacone a accepté de nous recevoir pour faire un point de situation à ce jour. Interview.

Le 97150 : Monsieur Giacone, merci de nous recevoir pour faire un point de situation à nos lecteurs sur cette crise dans la distribution de l’eau potable qui secoue le territoire. En premier lieu, pouvez-vous nous indiquer où en sont les avancées pour un retour à la normale, comme annoncé, en fin d’année ?
 
Jean-Marie Giacone : Je voudrais tout d’abord refaire l’historique de cette crise, qui a été détectée le 20 juin dernier, à la suite d’investigations et d’analyses supplémentaires demandées par la préfète déléguée, Sylvie Feucher. C’était un jeudi. Nous avons immédiatement mis en œuvre les mesures nécessaires pour que, dès le lundi suivant, soit le 24 juin, nous puissions approvisionner en eau en bouteille les sites sensibles et les personnes vulnérables : les établissements scolaires, la Cuisine Centrale, l’EHPAD, le centre de dialyses, l’hôpital… Au total, depuis cette date, nous distribuons quelque 15 palettes d’eau par semaine, environ 11250 litres d’eau, dont nous supportons la charge financière dans son intégralité (plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois).
Depuis le 1er août, nous avons mis en place la rampe de distribution où nos abonnés peuvent venir gratuitement s’approvisionner en eau. Il y a chaque jour une cinquantaine de personnes qui se rendent sur site pour récupérer de l’eau potable. Car rappelons-le, l’eau est potable en sortie d’usine et le bromate n’est identifié que dans les réseaux de distribution. Cette rampe de distribution en eau potable sera opérationnelle jusqu’à la levée de la non-conformité de l’eau distribuée.
 
Le 97150 : Ces mesures conservatoires relèvent-elles de vos devoirs que vous avez envers vos abonnés ?
 
Jean-Marie Giacone : C’est avant tout un engagement sociétal que nous avons pris. Il faut savoir que le problème de la pollution de l’eau aux bromates n’est pas directement lié à l’exploitation de l’eau par nos services.
La présence de bromates a été détectée et nous avons souhaité prendre dans les meilleurs délais des mesures pour diminuer les conséquences sur les populations les plus vulnérables. Toutes ces mesures impliquent des coûts que nous prenons entièrement à notre charge et qui bien évidemment ne seront pas répercutés sur le prix de l’eau facturé à nos abonnés.
 
Le 97150 : Et concernant le retour à la normale en fin d’année ?
 
Jean-Marie Giacone : Nous avons réalisé une grande batterie d’analyses dès le début de la crise, fin juin. Les résultats négatifs de ces analyses ont été communiqués et corroborés par les analyses faites par l’Agence Régionale de Santé (ARS).
Après avoir procédé à une régulation des désinfectants introduits dans l’eau de mer pour la rendre potable, nous avons fait une nouvelle batterie d’analyses à la mi-juillet. Sans revenir à des taux de bromates inférieurs aux seuils autorisés, soit 10µg/litre, nous avons pu réduire de façon sensible la présence de bromates avec cette nouvelle régulation de désinfectants. De meilleurs résultats d’analyses qui ont permis une levée partielle des restrictions, courant juillet, à savoir les autorisations de laver les aliments avec l’eau du robinet ainsi que de se brosser les dents.
Pour revenir à des seuils inférieurs à 10 µg/litre, nous devons maintenant introduire un nouveau dispositif dans le process de fabrication de l’eau potable : des générateurs de bioxyde de chlore. Une procédure qui permet de ne pas générer de bromates.
Un générateur sera placé sur le réservoir du Mont des Accords et l’autre sur le réservoir de Morne Valois. Les marchés et les commandes sont passés. Les travaux de génie civil pour l’installation de ces générateurs sont programmés pour la mi-septembre et les générateurs devront être en place à la mi-octobre.
Pour chacune de ces nouvelles installations, il y a des délais qui sont incompressibles (réponse aux marchés passés, délais d’acheminement et d’installation du matériel, etc…). Ensuite, il y aura la phase des nouveaux contrôles, avec in-fine, les analyses faites par l’ARS qui viendront valider ou pas la levée de la non-conformité. Les investissements à réaliser et portés par la COM et l’EEASM, puisque les infrastructures sont leur propriété, la Saur n’en est que le gestionnaire, représentent tout de même plusieurs centaines de milliers d’euros. Mais la Saur a fait le pari de relever le défi d’optimiser le service rendu à Saint-Martin : distribuer une eau propre avec un coût contenu.
 
Le 97150 : Le Collectif pour une eau potable à Saint-Martin qui s’est constitué, évoque d’intenter une action en justice pour réclamer une indemnisation de la part de la Saur venant compenser le défaut de service rendu et les coûts engendrés par la surconsommation d’eau en bouteille. Quelle est la position de la Saur face à ces réactions ?
 
Jean-Marie Giacone : Nous avons reçu des représentants du Collectif au début du mois d’août. Si nous avons écouté et entendu leurs doléances, nous avons toutefois indiqué que certes le service n’est pas rendu à 100%, mais l’eau n’est pas coupée... Le transport, l’assainissement, sont toujours des services opérationnels. Par ailleurs, la consommation humaine de l’eau de ville ne représente qu’environ 1% de la consommation totale. Nous avons indiqué que notre priorité était pour l’heure de régler les problèmes techniques pour rendre au plus vite le service dû dans son intégralité. Concernant la demande d’indemnisation, nous avons fait savoir au Collectif que nous étions ouverts à la réflexion, mais qu’il nous allait falloir préalablement faire les comptes de ce que cette crise aura coûté à l'entreprise et ensuite nous pourrons envisager des actions complémentaires.
 
Le 97150 : Le Collectif envisage de créer légalement un compte séquestre sur lequel seront versées les sommes dues par les abonnés à la SAUR.
 
Jean-Marie Giacone : C’est le droit le plus strict des consommateurs et nous le respectons. Cependant, si la justice doit être saisie, nous nous attacherons de notre côté à vérifier que les actions menées sont en adéquation à ce que préconise la loi dans ce domaine. De notre côté, je le redis, la priorité dans le travail de toutes les équipes de la SAUR est placée sur un retour au plus vite d’une situation à la normale.
Je conclurai en indiquant que cette crise va avoir un impact économique sur le contrat que nous avons avec la Collectivité. Le contrat de 10 ans que nous avons signé prévoit une porte de sortie dans les trois ans à venir. Comme toute entreprise de droit privé, la SAUR doit répondre à des règles économiques équilibrées ou positives pour être pérennes. Des coûts imprévus ont été engendrés par cette pollution de l’eau aux bromates et vont devoir être absorbés dans nos comptes, et ne seront pas répercutés sur le prix de l’eau. Au contraire, nous avons dans notre contrat de délégation de service public des objectifs de réduction du prix de l’eau, en moyenne 13%. Toutefois, la SAUR doit être en mesure de générer des comptes positifs pour assurer sa pérennité…
Propos recueillis par Valérie Daizey