Fondation de France : Bilan après 6 mois sur les 14 M€ de dons
Le chargé de mission dépêché par la Fondation de France (FDF) au lendemain de la catastrophe Irma, Pierre Roth, a quitté le territoire en fin de semaine dernière, après un peu plus de cinq mois de présence. Nous l’avons rencontré avant son départ. Interview.
Le 97150 : Pierre Roth, bonjour. Vous quittez Saint-Martin, est-ce à dire que la Fondation de France a terminé sa mission sur les Antilles en général et Saint-Martin en particulier ?Le 97150 : Pierre Roth, bonjour. Vous quittez Saint-Martin, est-ce à dire que la Fondation de France a terminé sa mission sur les Antilles en général et Saint-Martin en particulier ?
Pierre Roth : Je quitte effectivement l’île samedi (samedi 31 mars, ndlr), mais ce n’est pas pour autant que la Fondation de France se retire. Elle reste présente mais à distance. Quatre à six déplacements de moi-même ou d’autres chargés de mission devraient être programmés d’ici à la fin de l’année 2018, pour un total de deux à trois semaines sur l’île. Mais vous savez, c’est quasiment une première pour la Fondation, d’avoir missionné un collaborateur pendant une période aussi longue. Cela a un coût, et la Fondation a décidé de le stopper.
Le 97150 : Les dons reçus par la FDF avoisinent les 14 millions d’euros. Sur cette somme, ce sont 5.7 millions qui ont été engagés sur les Antilles, dont 4.7 millions sur Saint-Martin. Comment ont été ventilés ces 4.7 M€ ?
Pierre Roth. : Tout d’abord, je tiens à préciser que 14 millions d’euros collectés représentent une somme très importante qui provient pour 10.5 M€ de dons de particuliers. Le sinistre Irma a engendré un immense élan de générosité sur tout le territoire national. Sur les 5.7 M€ engagés, environ 1 M€ a été consacré à des projets pour les îles de Saint-Barthélemy, Dominique, Cuba et Haïti, qui ont également été impactées par les ouragans Irma et Maria. Les 4.7 M€ restants engagés pour Saint-Martin ont répondu à quatre critères principaux : l’aide aux sinistrés pour 1.4 M€, le soutien à la relance économique pour 1.650 M€, la réhabilitation de l’habitat pour 1.270 M€ et le soutien à l’éducation et aux activités culturelles pour les jeunes pour 80 000 euros (voir tableau de ventilation).
Le 97150 : Sur les 14 M€, vous en avez donc engagé 5.7 M€ dont 4.7 M€ pour Saint-Martin. Il reste donc un peu plus de 8 M€ à engager. Nous sommes tentés de mettre en balance de ces 8 M€ les quelque 1200 familles qui vivent toujours dans des conditions très dégradées, sans toit, voire sans maison. Ces personnes très vulnérables et qui ont peu de recours, car souvent non assurées ou mal assurées, se demandent, et je dirais à raison, pourquoi rien n’a été fait pour elles ? Comment, sept mois après la catastrophe, et avec une enveloppe de plus 8 M€ disponible, 1200 familles sont laissées pour compte ? N’est-ce pas la mission première de la Fondation de France, d’œuvrer pour apporter assistance aux personnes les plus vulnérables ?
Pierre Roth : Je comprends que cela puisse choquer. Mais vous devez savoir que la Fondation de France a un rôle de financement des opérateurs locaux qui oeuvrent ensuite sur le territoire. Nous avons eu beaucoup de mal à identifier des opérateurs qui seraient en mesure d’aider à la reconstruction ou tout du moins aux réparations et mises en sécurité des habitations de ces personnes. Nous avons fait venir les Compagnons bâtisseurs et les avons financés à hauteur de 400 000 euros pour leur projet d’aide à l’auto-reconstruction. Le projet pilote de 25 maisons auto-reconstruites par les habitants, sous l’encadrement des Compagnons bâtisseurs est un beau projet, mais les processus sont très longs. Imaginez que pour une seule maison, il faut environ 6 jours de travail, pour un coût en matériaux d’environ 6000 euros. Il y a plus de 1000 habitations qui sont encore sous bâche, les ouvertures béantes. Cela représente dont 6000 jours de travail… Il ne reste que 150 jours avant le plein de la prochaine cyclonique… Les projets Castor et Ecureuil menés en partenariat avec la Croix Rouge et le Secours Catholique ont quant à eux bénéficié respectivement de 300 000 euros et 200 000 euros. Mais cela reste insuffisant. Nous en sommes conscients et allons mettre la priorité pour accélérer ces projets, notamment avec les Compagnons Bâtisseurs et démultiplier les accompagnateurs, afin de parvenir rapidement à la finalité des 400 habitations sécurisées. Quoiqu'il en soit, ces 8 M€ restants seront engagés pour cette mission "Solidarité Antilles", dont 7 M€ seront pour Saint-Martin dans le cadre de sa reconstruction.
Le 97150 : Mais n’y aurait-il pas pu avoir des solutions urgentes prises pour les 80 familles qui sont toujours hébergées à l’école Nina Duverly, sept mois après la catastrophe ?
Pierre Roth : Vous savez, tout est compliqué. La FDF doit respecter le cadre réglementaire du territoire sur lequel elle intervient. La carte des aléas et les nouvelles règles d’urbanisme n’ont été dévoilées qu’en janvier dernier. Le fait qu’il n’y ait pas de données statistiques et économiques sur le l’île complique aussi toute démarche. Comment recenser les habitations sur lesquelles nous aurions pu intervenir ? Un autre problème réside également avec le « flou artistique » dans les titres de propriété. Avant de sécuriser et restaurer une habitation, nous devons nous assurer que l’occupant est bien le propriétaire, et si c’est le locataire, le propriétaire doit nous certifier qu’il n’expulsera pas son locataire une fois les réparations effectuées sur sa propriété. Toutes ces démarches sont très longues. Il y a également le problème d’approvisionnement en matériaux qui rallonge les délais de la reconstruction. De même, pour faire venir des artisans supplémentaires, il faut être en mesure de les loger… et les logements vacants sont plutôt rares… Quant aux associations locales que nous aurions pu financer pour qu’elles deviennent opératrices de projets, elles sont également lentes à remettre leurs dossiers de demande de financement. Tout est long et compliqué sur ce territoire de Saint-Martin où parallèlement il y a un accroissement des règlementations qu’il faut respecter. C’est là que réside certainement toute la complexité de ce petit territoire…
Solidarité Antilles de la Fondation de France : 37 projets soutenus (au 31 mars 2018)