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Agent de la Collectivité : l’épineux sujet de l’évolution des carrières

Par Diane Pezeron-Dubois
4 juin 2024

Alors que la grève des agents de la Collectivité a débuté mercredi 29 mai et que des premières discussions ont débuté ce vendredi entre les délégations syndicales et l’équipe de la Collectivité, la carrière des agents constitue l’un des points brûlants des revendications. Pour cause, l’absence d’évolution de centaines de carrières et un dysfonctionnement qui dure depuis presque deux décennies. Explications.

Réparer presque 20 ans de chaos administratif, tel est le problème majeur auquel doit se confronter l’actuelle majorité. Les syndicats l’assurent : la carrière des agents est l’une des priorités syndicales et une demande formulée de longue date. Le constat est sans appel : de nombreux agents, dont la carrière est évaluée sur une grille indiciaire, n’ont pratiquement jamais évolué. Un problème qui touche plus de 600 agents. Interrogée par nos soins, Nabila Benrached, actuelle directrice générale adjointe en charge des ressources humaines de la Collectivité, nous donne des éléments de contexte. Pendant plusieurs années, des dysfonctionnements ont ralenti la carrière des agents. Parmi eux, la période de stage d’un agent entrant à la Collectivité, avant d’être titularisé. À Saint-Martin, certains stages ont été anormalement longs. «La période de stage dure une année », explique Nabila Benrached. « Pour autant, certains agents y sont restés quatre ans». Autre problématique, le classement des agents sur la grille indiciaire. Cette dernière détermine le salaire des agents de la fonction publique. À chaque échelon est associée une grille qui servira à sa rémunération et à son évolution jusqu’à sa retraite. Pourtant, à partir de l’année 2005, les agents intégraient la Collectivité sans reprise d’ancienneté. «Ils ont tous été placés au premier échelon de la grille », poursuit Nabila Benrached. Une catastrophe en ce qui concerne le suivi de carrières. De plus, certains agents n’étaient tout simplement pas classés dans la bonne filière, comme les Agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM). «Certains d’entre eux étaient placés dans la filière d’adjoints technique alors qu’ils appartiennent à la filière médico-sociale ».

PAYER LES POTS CASSÉS

Face à la situation, les anciennes mandatures avaient déjà tenté de trouver une solution, comme le rappelle Nabila Benrached. «Des accords avaient été passés avec des centres de gestion, basés en métropole pour travailler sur cette reconstitution des carrières », explique-telle. Malheureusement, cet accord n’a jamais abouti, dû au travail titanesque concernant des centaines d’agents. «Il faut savoir que ces grilles indiciaires évoluaient et changeaient quasiment chaque année. Il faut reprendre les carrières à la main, une à une, en prenant en compte ces changements». Les centres de gestion proposaient quant à eux de travailler progressivement sur le sujet, sans pour autant donner de date limite de résultats, proposition refusée par les syndicats. Pour finir, les carrières ont été mises à l’arrêt complet dans le contexte chaotique d’Irma et post-Irma. Aucun avancement de grade et de promotion interne n’a été effectué entre 2016 et 2023.

UNE OPÉRATION À PLUSIEURS MILLIONS D’EUROS

Face à l’ampleur de la tâche, il a fallu une année pour Nabila Benrached et son équipe de 4 agents afin de reprendre une à une les carrières. «Nous avons fait un travail plus que sérieux, nous avons également été accompagnés par un cabinet d’avocats de droit public », précise-t-elle. Toutes les carrières qui étaient entachées d’irrégularités ou d’erreur matérielle ont été reprises depuis la date d’entrée de l’agent dans la Collectivité. Au total, 686 agents ont pu bénéficier d’un avancement de grade, le coût budgétaire de cette opération s’élevant à près de 2 millions d’euros. Plusieurs reconstitutions ont été effectuées parmi lesquelles, l’avancement de grade pour tous les agents proches de la retraite remplissant les conditions entre 2017 et 2020, mais aussi celle de l’ensemble des agents aux stages anormalement longs ou encore le positionnement des agents sur la filière correspondante aux fonctions occupées. Au total, 4,7 millions d’euros ont été alloués en régularisation de la période 2011 à 2016 du régime indemnitaire. La directrice des ressources humaines se dit quant à elle prête à dialoguer avec les syndicats et de vérifier les actions de son équipe. Des discussions qui se déroulent actuellement et qui, peut-être, mettront un terme à presque 20 années d’injustice pour les agents de la Collectivité.

Vers une amélioration avec les syndicats ?

Parmi les changements promis par la Collectivité, un meilleur dialogue avec les syndicats, qui, depuis plusieurs années, peinent à obtenir des réponses.

Un constat déjà formulé dans un rapport par la Cour des comptes, couvrant les exercices de 2007 à 2016. « Alors que les élections professionnelles ont eu lieu en décembre 2014, les instances consultatives prévues par la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, à savoir, la commission administrative paritaire, le comité technique et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne sont toujours pas installés », peut-on lire. «Le préfet, saisi par les représentants du personnel de la Collectivité, a rappelé l’exécutif à son devoir le 19 mai 2016 sans qu’aucune suite n’ait été donnée à ce rappel », note la Cour des comptes sommant à cette époque la Collectivité de réorganiser la direction des ressources humaines, installer les instances consultatives et établir le dialogue avec les représentants du personnel . La mandature actuelle assure vouloir favoriser le dialogue et a affirmé avoir mandaté l’administration pour qu’une proposition d’attribution d’un local pour les syndicats soit enfin faite, rappelant que cette demande est « récurrente et légitime ». Un pas de plus vers l’apaisement ?

Diane Pezeron-Dubois

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