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Une délinquance galopante qui inquiète les autorités

Par Ann Bouard
17 Janvier 2025

L’accélération de la délinquance a atteint son paroxysme en ce début d’année avec trois décès par arme à feu, plusieurs blessés et des attaques de touristes. Mercredi, lors d’une conférence de presse, le procureur de la République Xavier Sicot, accompagné du commandant de la gendarmerie Hugues Loyez, a fait le point sur les enquêtes en cours.

Depuis septembre, Saint-Martin enregistre une escalade inquiétante dans l’usage des armes et une explosion des vols à main armée. En 2024, 123 vols avec arme ont été recensés, soit le double de 2023, année déjà nettement supérieure à 2022. Des équipes se constituent et elles sont de plus en plus jeunes. Sur l’ensemble des VAMA commis en 2024, 13% des interpellés étaient mineurs et 46% étaient âgés de 18 à 25 ans. Si jusqu’à présent, ils exhibaient leurs armes, désormais ils tirent. L’utilisation des armes à Saint-Martin est sans commune mesure comparable aux territoires voisins ou même l’hexagone, et ce sont des armes de guerre qui circulent. Autre évolution, la cible des malfrats, qui délaissent les petits commerces pour des cibles « d’opportunité », souvent des touristes isolés, de nuit.  

Mais dans le contexte des derniers événements, l’inquiétude est nourrie par d’éventuels actes qui pourraient se produire, par vengeance ou par désir de conquérir un territoire par la force. 

Enquêtes en cours et renforts spécialisés

Le procureur a décidé de mettre plusieurs procédures en cours de côté afin de donner la priorité aux enquêtes à Saint-Martin. Tous les gendarmes sont pleinement mobilisés et certains ont écourté leurs congés pour prendre part aux enquêtes avec pour seul objectif de retrouver tous les auteurs, sans exception. Dans l’affaire du tir sur un américain à Grand Case, deux individus ont d’ores et déjà été interpellés (dont un mineur), et sont incarcérés à Basse Terre. Ils devront répondre de meurtre et tentative de meurtre en bande organisée, la qualification la plus haute, qui peut leur valoir la réclusion à perpétuité, mais qui permet également à la justice de mobiliser plus de moyens.

Des effectifs supplémentaires de gendarmes spécialisés, avec des missions bien précises, sont déjà présents sur le territoire. Ils vont être appuyés prochainement par un « AnaCrim », un gendarme spécialisé dans les recoupements d’informations, qui dispose de plus de moyens techniques bien spécifiques.

Les enquêtes sont en effet menées en parallèle, mais les recoupements permettront de savoir si des liens entre les affaires existent. Concernant les faits commis le 9 janvier à Quartier d’Orléans, faisant deux morts, le dossier a été confié à la juridiction spécialisée de Fort-de-France.

Le Procureur n’a aucun doute quant à l’issue de ces enquêtes ; les auteurs seront arrêtés. 

Un appel à la responsabilité collective

Toute la population est impactée par ces événements violents, et certaines personnes ont peur de parler de peur des représailles. Le Procureur l’assure, ceux qui veulent remplir leur rôle de citoyen peuvent le faire de manière totalement anonyme. « Il faut parler avant qu’un nouveau drame ne survienne, avec le risque de victimes collatérales », a-t-il insisté.

Le Procureur et le commandant de la gendarmerie en appellent également à la vigilance des parents, notamment des mères, souvent au courant de la présence des armes. Pour une maman, il suffit d’imaginer la scène de crime avec les rubalises et les gyrophares et l’horreur de devoir identifier la victime dans les situations d’extrême violence comme ce fut le cas à Grand Case. 

Personne n’a le droit de détenir une arme, c’est la loi de la République et prendre une arme pour se défendre ne fait qu’accélérer la spirale de la violence, a rappelé Xavier Sicot. Hugues Loyez déplore une perte de la valeur de la vie humaine et une quête dangereuse de l’argent facile sur l’île et demande aux mamans de protéger leurs fils en allant déposer les armes trouvées à la gendarmerie. Il ne leur sera pas demandé où elles les ont trouvées et l’anonymat est garanti.

Ann Bouard