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Zoom sur le Guavaberry et les emblématiques producteurs Louis et Luz-Maria Maccow

Par Jean-Michel Carollo
21 Novembre 2024

Chaque région de France possède sa propre liqueur comme la gentiane d’Auvergne, le génépi des Alpes ou l’Izarra du Pays basque. À Saint-Martin, c’est la liqueur de Guavaberry, fabriquée à partir d’un fruit (presque) endémique, que l’on consomme de multiples façons. Il était le produit vedette du festival de la gastronomie de cette année, une bonne occasion pour s’attarder un peu sur ce symbole naturel et fruité de saint-martin.

Il y a quelques années, il existait encore côté hollandais une marque de ce produit qui était devenu très populaire grâce à un système de marketing sans faille, mais dont le goût ressemblait davantage à un sirop pour la toux qu’à une véritable liqueur, sans doute à cause de sa fabrication bien peu artisanale. Juste retour des choses, c’est le côté français qui détient maintenant la quasi-exclusivité de la production avec une qualité qui mérite quelques étoiles. Les gardiens du temple sont Louis et Luz-Maria Maccow, qui jouissent depuis longtemps d’une réputation sans pareil grâce à un savoir-faire dont ils gardent jalousement le secret, tout en maîtrisant parfaitement le sens de la communication qui leur permet de promouvoir le Guavaberry sous toutes ses formes.  

Nous sommes donc allés les retrouver dans leur nid douillet de Colombier, au lendemain du festival de la gastronomie. Les traits sont tirés et la fatigue se fait sentir après ces quelques jours d’une grande intensité, mais le sourire et la bonne humeur reprennent vite le dessus et nous sommes accueillis à bras ouverts. Pas avares de détails sur leur activité, ils nous apprennent que l’entreprise familiale date de plusieurs générations, mais que chacune d’entre elles à sa propre signature ; ainsi la liqueur de Guavaberry de Maccow père était légèrement différente de celle du fils ou de celle du grand-père, tout en respectant le processus de fabrication bien entendu.  

Family Business

Comme chaque artisan qui se respecte, Louis ne révèle pas le secret transmis par ses aïeux mais lève le voile sur le principe de base : la cueillette des fruits s’effectue une fois par an, de septembre à décembre, vient ensuite la période de macération d’une durée minimum d’un an qui peu se prolonger une année supplémentaire, et même parfois cinq pour les cuvées spéciales… et voilà, c’est prêt à consommer ! Vous l’avez compris, en réalité c’est un peu plus compliqué, mais le mystère demeure et c’est sans doute ce qui fait le charme de cette liqueur appréciée aussi bien par les touristes que par la population locale qui traditionnellement la consommait surtout pendant les fêtes de Noël.

1.800 kg de fruits récoltés chaque année et environ 200 bouteilles produites par jour, la petite entreprise ne connaît pas la crise, mais les Maccow ne se limitent pas à la seule liqueur, en effet ce fruit typiquement exotique noir ou jaune et au goût légèrement poivré peut se décliner de différentes façons : en confiture, en poudre d’assaisonnement, ou tout simplement être dégusté au naturel. Afin de contenter une clientèle d’habitués et pour que celle-ci ne se lasse pas, on trouve dans la boutique de Louis et Luz-Maria, des liqueurs faites à base d’autres fruits locaux comme le maracudja, la banane (savamment mixée avec de la vanille : un régal !) et bien sûr les quénettes, uniquement achetés aux enfants au bord de la route pour perpétuer une autre tradition typiquement saint-martinoise.

Como te llamas ?

Même si le Guavaberry est estampillé « Saint-Martin » avec un sous-entendu d’exclusivité, ce fruit exotique existe aussi chez nos voisins qui l’exploitent moins ou peu et qui le désignent par des appellations parfois fantaisistes, jugez plutôt : le Guavaberry est appelé ainsi à Saint-Martin et à Saint-Eustache, à Puerto Rico c’est « mirto ou murta », et c’est « guayabillo » au Guatemala. En Guadeloupe et en Martinique, on a le choix entre « coco-carette, merisier-cerise, ou bois de basse bâtard ». Au Salvador, on préfère dire « cabo de chivo », et « escobillo » au Nicaragua, ou encore « mije colorado » à Cuba et « bois mulâtre » à Haïti . Le Suriname détient le record des appellations un peu tordues : « roode bosch guave, saitjaberan ou kakrioe hariraroe tataroe ». À consommer avec modération.

Jean-Michel Carollo