CFA Mangrove : casser les codes pour réussir

A l’origine de ce projet, Antoine Gomez, gérant associé du restaurant Coco Beach, et aujourd’hui directeur du CFA Mangrove ; partant du constat qu’il y a un problème de mixité dans les équipes, que les entreprises font appel à des saisonniers de métropole alors que de nombreux jeunes sont sans emploi sur l’île, il a décidé de créer le CFA Mangrove pour favoriser l’inclusion de jeunes Saint-Martinois dans le tourisme de luxe. Son ambition est de créer les compétences pour éviter d’aller les chercher ailleurs. Pour ce faire, il a  transformé le Coco Beach, l’un des fleurons des restaurants de la Baie Orientale, en restaurant pédagogique. C’est là que se tenait une étape importante jeudi dernier : la présentation du dispositif aux professionnels, suivi d’un job dating en situation réelle. 

UNE DÉMARCHE INNOVANTE

Vincent Berton, préfet délégué de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, et Martine Beldor, conseillère territoriale, présidente de la commission de l’emploi, de l’apprentissage, de la formation et de l’insertion de la Collectivité avaient en charge l’ouverture de cette réunion quelque peu inhabituelle et aux enjeux importants.

La démarche est en effet innovante pour le territoire, car elle inverse les pratiques en allant vers les jeunes. 

Autour de la table, les représentants de la Mission Locale, Cap Emploi, AKTO, l’Agence de Services et de Paiement, la CCISM, l’ITSEE, l’unité territoriale de la DEETS… ont abordé tous les sujets pouvant poser question aux futurs employeurs : le droit du travail, le cadre juridique, l’aide à l’embauche en contrat d’apprentissage d’une personne handicapée, la médiation de l’apprentissage, les aides de l’État. La présentation a été suivie par 14 chefs d’entreprises de l’hôtellerie et de la restauration.

DES JEUNES TRÈS MOTIVÉS

Le Préfet a salué le travail de recrutement de la Mission Locale, jugeant que « cette formation est la démonstration même que le manque de jeunes ou de motivation sur le territoire est une idée fausse ».

C’est en effet à la Mission Locale que revenait la sélection des candidats. Sur les 300 jeunes reçus, 80 ont été retenus dans un premier temps. Ce sont les 50 plus motivés, qui ont été sélectionnés pour faire partie de cette formation, dont 1/3 est sans qualification ou diplôme, 1/3 a un niveau CAP ou BEP ;  très peu ont le niveau Bac. Ils sont issus pour la majorité de Marigot et Concordia et  1/3 d’entre eux viennent des quartiers prioritaires de Sandy Ground et Quartier d’Orléans. 

Au final 48 jeunes, dont trois en situation de handicap, ont entamé cette formation de 613h, rémunérée, effectuée en présentiel au centre de formation Fore IdN pour la partie théorique et au Coco Beach pour la partie pratique et en distanciel grâce aux ordinateurs mis gracieusement à leur disposition. Ils ont été répartis en trois groupes, le premier a débuté les cours en mai, le second en juin et le troisième en juillet, mais d’autres sont déjà en attente. Le nombre de candidats a en effet été arrêté à 50 dans un souci de qualité. Le fait d’avoir trois groupes d’une quinzaine d’apprenants était optimal pour pouvoir leur donner un maximum d’outils et les préparer à leur future embauche. Les progrès ont été jugés extraordinaires, notamment lors des ateliers organisés au restaurant Maison Mère, ce qui laisse présager de leur avenir. La majorité est déjà prête à aller plus loin que ce qu’on leur a proposé a indiqué leur encadrant. 

COMPÉTENCES TECHNIQUES ET COMPORTEMENTALES

Cette formation est tout à la fois axée sur les compétences techniques et les techniques comportementales dans les cinq métiers proposés : commis de cuisine, employé polyvalent restauration, pâtissier, serveur en restauration (formations de niveau trois) et réceptionniste en hôtellerie (niveau quatre).

Ils apprennent en effet la technicité et le savoir-faire, mais aussi le vocabulaire en anglais, la posture à adopter face à la clientèle, les valeurs et les attentes des employeurs et… la confiance en eux ! Un dernier point primordial, car pour beaucoup venir ne serait-ce qu’à la Baie Orientale était quelque chose qu’ils n’envisageaient pas. Afin de pallier à leurs problèmes de déplacements, le centre de formation Fore Idn en collaboration avec la collectivité a affrété un bus et mis à disposition un chauffeur pour effectuer des navettes depuis Sandy Ground, avec plusieurs arrêts à Marigot, afin de déposer les apprentis à la Baie Orientale.

AUX PROFESSIONNELS DE FAIRE LE JOB !

À l’issue de cette présentation très complète et du jeu des questions-réponses entre les animateurs et encadrants de la formation et les professionnels présents, un cocktail sous forme de job dating était organisé. Cela a permis aux employeurs de juger le travail des apprentis en situation réelle, et pour ces derniers de rencontrer ceux qui les accueilleront pour leur futur apprentissage. Le résultat de cette première journée de recrutement se fera en octobre. Pour les professionnels n’ayant pu être présents en raison de leur emploi du temps, des entretiens seront programmés à la fin du mois. 

La balle est maintenant dans le camp des restaurateurs et des hôteliers qui devront les prendre en apprentissage pour qu’ils puissent finir leur formation et obtenir leur diplôme. La période d’apprentissage débutera dès novembre pour les 48 jeunes issus de cette première promotion. Les choses étant lancées, le recrutement de la prochaine promotion débutera en octobre-novembre.

SOURIRE, PROFESSIONNALISME ET CONFIANCE EN SOI

Gina Gourbet habite Grand Case et a intégré la formation le 10 juin dernier. À 28 ans, elle se destine au métier de réceptionniste et vise l’hôtellerie de luxe. Elle se verrait bien intégrer les effectifs de la Samanna ou du Secret. 

Stanley Saint Hilaire, 20 ans, lui, vient de Concordia et a rejoint le CFA Mangrove le 29 avril dernier avec pour objectif de devenir serveur. L’expérience du Coco Beach l’a particulièrement séduit et il aimerait poursuivre son apprentissage dans cet établissement ou à défaut dans un restaurant de Grand Case.

Deux exemples qui reflètent l’esprit de cette promotion. La quinzaine d’apprenants à l’œuvre ce soir-là était particulièrement à l’aise parmi les invités avec leurs plateaux ou derrière le bar. Ils reconnaissent tous deux, comme l’ensemble de leurs collègues, que c’est la formation qui leur a permis de gagner cette confiance en eux, leur motivation et l’envie de poursuivre dans la voie qu’ils ont choisi. Aucune fausse note durant ce cocktail dinatoire (en tous les cas pas visible aux yeux des invités), ils ont assuré et fait le job avec le sourire et en faisant preuve déjà de professionnalisme.