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Harcèlement sexuel au travail : 10 000 €

Par Ann Bouard
02 November 2021
Patron d’une entreprise de sécurité, un homme a durant près de deux ans harcelé l’une de ses employées. Il comparaissait devant le tribunal de Saint-Martin pour lui avoir tenu des propos à connotation sexuelle de manière répétée. La jeune femme a eu le courage de dénoncer les faits et d’aller jusqu’au bout de la procédure.
 
Co-gérant de la société avec son épouse, l’homme avait jeté son dévolu sur sa jeune employée. En formation au RSMA, la jeune femme avait dans un premier temps effectué un stage à la demande de l’armée, puis intégré l’entreprise. L’entretien d’embauche s’est déroulé normalement et les débuts dans la société se passent plutôt bien aux dires de la jeune femme. Ce n’est qu’au bout de quelques mois qu’il commence « à blaguer » avec elle, lui manifestant un intérêt qui dépasse les relations patron-employé. Ces échanges se déroulent toujours sans témoin et hors de la présence des autres employés.
A chaque entrevue, il se fait de plus en plus insistant, lui demande de dîner avec lui, lui propose de subvenir à ses besoins en lui offrant de l’argent, lui pince les hanches, lui demande s’il peut lui envoyer des fleurs mais aussi quelle taille de sexe elle préfère ou lui indique les gestes qu’il souhaiterait faire sur sa personne. La jeune femme refuse ses avances en bloc. Engagée en août 2017, elle subit cette situation jusqu’en juin 2019.
 
Une procédure complexe pour la victime
 
Une situation stressante qui a eu un impact sur sa santé. Elle fait alors appel à une association pour l’aider et dénonce les faits à l’inspection du travail. Après examen par la médecine du travail puis par son médecin traitant, elle est mise en arrêt maladie et sous antidépresseurs. L’épouse du prévenu et co-gérante de la société s’interroge sur ces arrêts de travail. La jeune femme lui en explique les raisons, mais l’épouse refuse de la croire. La jeune femme poursuit la démarche et porte plainte à la gendarmerie. Cependant, elle est tentée de la retirer car la co-gérante lui propose une rupture conventionnelle, plus avantageuse qu’un simple licenciement, pour étouffer l’affaire. Hésitante, elle retourne prendre conseil auprès des gendarmes et maintient sa plainte. Elle est licenciée en aout 2019 mais son licenciement est jugé sans cause réelle et sérieuse par les Prud’hommes. La société a fait appel qui a été jugé caduque par la cour d’appel.
 
Une production hollywoodienne remise en cause
 
Convoqué par les gendarmes l’homme ne reconnait pas les faits et refuse même de signer le procès-verbal. Cependant la jeune femme, se doutant qu’elle devrait produire des preuves pour appuyer ses dires avait enregistré plusieurs conversations sur son portable. Des enregistrements audio qui figurent au dossier et dont des extraits seront diffusés lors de l’audience. A la barre, le prévenu maintient ne l’avoir jamais harcelé et qu’il ne sait pas qui est l’homme que l’on entend sur les bandes.
Le procureur se dit consterné par la ligne de défense du prévenu qui réfute tous les faits et notamment le fait que l’on reconnaisse sa voix sur les enregistrements. Si ce n’est pas lui, les enregistrements sont, selon le ministère public, digne d’une production hollywoodienne, car outre les deux protagonistes de l’affaire, on entend les bruits du frottement du téléphone dans la poche, les employés, les clients … les procès-verbaux sont aussi montés de toute pièce si l’on en croit le prévenu. «Le harcèlement, c’est le fait d’imposer de façon répétée des propos qui portent atteinte à la dignité, ou qui sont intimidants ou offensants. Un comportement abject qui à la longue mène a une grande détresse psychologique ». Le substitut du procureur salue la bravoure de la jeune femme qui a su aller jusqu’au bout de sa démarche sans se décourager. Dans le cas précis, il juge que les faits sont avérés et requiert six mois de prison avec sursis et une amende de 15 000 €.
L’avocat de la défense remet en doute l’authenticité des bandes, et note qu’elles sont illicites puisqu’il est interdit d’enregistrer les gens. Il estime que c’est une procédure à charge.
Le tribunal a suivi les réquisitions du ministère public et a prononcé à l’encontre du prévenu une peine de six mois de prison assortie du sursis, 10 000 € d’amende et une peine d’inéligibilité de quatre ans. Les demandes de dommages et intérêts de la partie civile sont renvoyées à l’audience sur intérêts civils du 25 janvier prochain.

Ann Bouard