Le pharmacien va devoir répondre de ses actes
Comme tous les jeudis, le tribunal devait juger plusieurs affaires et parmi les dossiers présentés figurait celui du pharmacien P. P.-G. qui, le 23 septembre 2017, a été interpellé avec des médicaments qu’il avait récupérés dans les locaux de la société Laborex.
Le président du tribunal a rappelé les faits qui sont intervenus ce 23 septembre, lorsque les gendarmes ont interpellé à 16h50 le responsable de la pharmacie située dans le centre-ville de Marigot. Pas moins de 12105 boîtes de médicaments ont été récupérées ce jour-là dans le véhicule du pharmacien.
C’est de manière fortuite, alors que le suspect faisait le plein de carburant à la station Blue Point, que le directeur de la société Laborex, Monsieur N., a remarqué que le véhicule était plein de boîtes provenant de son laboratoire. Ce dernier a appréhendé P. P.-G. afin de récupérer la marchandise. Après avoir rempli son véhicule, Monsieur N. a demandé au pharmacien de le suivre avec le reste des médicaments jusqu’à l’entrepôt situé à Hope Estate, où l’attendaient les gendarmes.
QUATRE ALLER-RETOUR AVEC DES MÉDICAMENTS
L’apothicaire affirme que, lors de la conférence de presse qui s’est tenue le samedi 16 septembre au COD (Centre opérationnel départemental), le coordinateur des opérations de santé sur le territoire, Sergio Albarello, lui avait dit que le nécessaire serait fait pour alimenter les pharmacies et que le laboratoire Laborex était réquisitionné.
Le suspect assure que « les gendarmes sont venus me chercher chez moi pour m’accompagner au laboratoire Laborex ». Les gendarmes l’auraient conduit jusqu’aux locaux de Laborex où « ils sont resté une vingtaine de minutes ».
Lors de son intervention, le procureur Mickael Ohayon, qui représentait le ministère public a demandé à P. P.-G. combien de fois, entre le 18 et le 23 septembre, il s’était rendu au laboratoire, ce à quoi il lui a été répondu qu’il avait effectué « environ 4 voyages » et que « des gendarmes étaient présents dans les locaux ».
RUPTURE DE LA CHAINE DU FROID POUR CERTAINS MÉDICAMENTS
Le procureur signale que le suspect avait amené un autre pharmacien sur les lieux pour se servir. Ce dernier pris de doute c’est rendu à la gendarmerie pour se dénoncer. Tout en précisant que sur les lieux il n’y avait pas de gendarmes, ni le responsable de Laborex.
L’avocat de P. P.-G. rétorque que des gendarmes présents sur les lieux affirment avoir vu l’accusé, « mais qu’ils pensaient qu’il avait une autorisation (…) Pourquoi ces gendarmes n’ont pas été entendus ? ». ».
Le directeur de la société Laborex, précise qu’il avait donné l’autorisation aux services de secours, mais « je n’ai pas donné de la marchandise aux pharmaciens pour qu’ils la revendent ». Monsieur N. souligne que dans les lots volés figuraient « des produits qui devaient être réfrigérés », ayant subi une rupture de la chaîne du froid « on ne peut pas vendre des produits avariés ».
L’avocat de la partie civile confirme que la réquisition, ordonnée par les autorités, destinait les médicaments aux secours et aux médecins. « Le montant du matériel subtilisé au cours des trois premiers voyages est inconnu », mais le quatrième voyage a été évalué à 22 657,74 euros.
S’appuyant sur cette évaluation, le conseil de Laborex estime le total des trois voyages à 75 000 euros, « moins les médicaments identifiés et donnés à l’hôpital ». L’avocat demande également 20 000 euros pour le préjudice moral.
LE SUSPECT ENCOURT CINQ ANS DE PRISON
L’avocate du Conseil de l’ordre des pharmaciens demande 10 000 euros pour le préjudice occasionné pour l’ensemble des pharmaciens et 25 000 euros, « car la santé publique a été mise en danger ».
Le procureur Ohayon assure que le prévenu encourt cinq ans de prison, et qu’il n’a pas respecté la règle de l’honneur et le serment des pharmaciens. « La thèse de Monsieur P. P.-G., je n’y crois pas », insiste le ministère public qui demande quatre ans d’emprisonnement et une interdiction d’exercer la profession durant deux ans.
Lors de son intervention, l’avocat du pharmacien cite des témoignages de personnes qui l’ont accompagné chez Laborex et d’exhiber une photo de l’intérieur du laboratoire dévasté par le cyclone Irma et dont la porte est ouverte, « il n’y a pas de gendarmes, ni le directeur de la société (…) Le laboratoire n’est pas sécurisé ».
Quelque peu agacé par la longue plaidoirie de l’avocat, le président lui demande d’en venir aux faits car « vous êtes en train de tourner en rond », tout en lui accordant cinq minutes pour terminer. Au final, l’avocat demande la relaxe de son client et le président met l’affaire en délibéré pour le 12 avril prochain.
Roger Masip