Procès des élus de la COM : Affaire «Réfection de la toiture de la maison de Y.C»
21 January 2022
Cette affaire est arrivée en second dans l’ordre de celles à être jugées en ce début de semaine au tribunal de Saint-Martin. Celle-ci concerne la 1ere vice-présidente Valérie Damaseau et le président Daniel Gibbs, qui sont soupçonnés de favoritisme et de non-respect des règles de la commande publique, pour un montant de 51 361 €.
Synthèse de l’affaire
Dans les quelques jours qui ont suivi le passage de l’ouragan Irma, en septembre 2017, la communauté de Quartier d’Orléans s’émeut de la situation de madame Y.C, centenaire, dont la maison a été ravagée par le cyclone, où seule une petite pièce reste abritée, dans laquelle la vieille dame s’est réfugiée. Malgré la demande insistante de sa famille et de ses proches pour qu’elle quitte son logement, Y.C. refuse de partir. Georges Gumbs, du club service le Rotary décide d’aider cette personne âgée, en proposant la réhabilitation de sa maison via des dons et subventions collectés par le Rotary. La 1ere vice-présidente de la Collectivité, Valérie Damaseau, est originaire de Quartier d’Orléans et sa mère y réside toujours. Georges Gumbs se rapproche alors d’elle et lui demande comment la Collectivité peut aider cette dame. La famille de Y.C. avait déjà contacté une entreprise locale pour entamer les travaux de réhabilitation de la maison. Valérie Damaseau interpelle alors le président Gibbs et son directeur de cabinet, Hervé Dorvil, sur cette situation. Le président donne son accord de principe. La 1ere vice-présidente rencontre la responsable du service des marchés publics de la COM et une solution de subvention au Rotary semble envisageable. L’affaire paraît entendue ainsi. Sauf que quelques mois plus tard, la responsable des marchés de la Collectivité informe qu’une subvention n’est pas possible dans ce cas précis. La société D.C. a cependant achevé les travaux et demande à être réglée pour un montant de 51 361€. Le service des marchés suggère alors de faire passer ce financement en marché public, auquel cas, il faut récupérer 3 devis. Lesquels seront récupérés par le directeur de cabinet Hervé Dorvil. Mais tout cela a posteriori des travaux déjà achevés. Le devis de D.C. a été signé mais non daté par Valérie Damaseau, par délégation du président en son absence et sans qu’il n’y ait eu d’arrêté de délégation pris régulièrement. Le 5 septembre 2019, une délibération permettant la régularisation de ce paiement est présentée en conseil exécutif et est votée à l’unanimité, malgré les réticences de l’élue Annick Pétrus, alors 3e vice-présidente en charge du pôle Solidarité et Familles, qui indique ne pas avoir été informée de ce dossier. Cette délibération a été retoqué par le contrôle de légalité.
SIGNALEMENT DU DOSSIER PAR LA PRéFèTE DéLéGUéE
La préfète déléguée a alors fait un signalement au procureur relatif à ce marché public et de son caractère illégal par l’engagement de dépenses publics en faveur d’un particulier. Une enquête a à la suite de ce signalement été ouverte. Des faits sur lesquels les élus ont été entendus lors de leur placement en garde à vue en octobre 2020.
A la barre du tribunal lundi après-midi, Valérie Damaseau expliquait avoir agi en toute bonne foi, pour aider cette personne âgée. La solution d’une subvention au Rotary était pour elle entendue, et c’est quand la responsable des marchés lui a indiqué que ce versement de subvention n’était pas possible, qu’il a fallu trouver une solution afin de payer l’entreprise qui avait effectué les travaux, dans un circuit légal, celui des marchés publics.
« Je n’étais pas vraiment au fait des règles de la commande publique », a-t-elle commenté, et de conclure : « si dès le début on m’avait informé que ce n’était pas possible d’aider cette personne, je ne l’aurais pas fait ». Le président Gibbs indiquait à son tour que s’il n’avait rien fait pour aider cette personne vulnérable, il aurait pu être condamné pour « non-assistance à personne en danger ».
« Nous avons cherché à régulariser cette dépense de manière légale puisque les travaux avaient été réalisés ».
A la barre du tribunal lundi après-midi, Valérie Damaseau expliquait avoir agi en toute bonne foi, pour aider cette personne âgée. La solution d’une subvention au Rotary était pour elle entendue, et c’est quand la responsable des marchés lui a indiqué que ce versement de subvention n’était pas possible, qu’il a fallu trouver une solution afin de payer l’entreprise qui avait effectué les travaux, dans un circuit légal, celui des marchés publics.
« Je n’étais pas vraiment au fait des règles de la commande publique », a-t-elle commenté, et de conclure : « si dès le début on m’avait informé que ce n’était pas possible d’aider cette personne, je ne l’aurais pas fait ». Le président Gibbs indiquait à son tour que s’il n’avait rien fait pour aider cette personne vulnérable, il aurait pu être condamné pour « non-assistance à personne en danger ».
« Nous avons cherché à régulariser cette dépense de manière légale puisque les travaux avaient été réalisés ».
LE PROCUREUR REQUIERT LA RELAXE PURE ET SIMPLE
Dans ses réquisitions, le procureur de Basse-Terre, Xavier Sicot, a indiqué que « cette personne âgée s’était retrouvée dans une situation inacceptable. Peut-on parler de favoritisme ? l’Etat français doit intervenir sur des situations d’urgence et assurer la sauvegarde des populations dans un temps bref (…). Cette personne ne voulait pas aller à l’hôpital (…) C’était une problématique sociale où la nécessité prend le pas sur le favoritisme et certes l’action sociale a été mal montée juridiquement (…) ». Et de conclure sur le dossier: « Qui a fait quoi pour cette vieille dame à part la Collectivité ? » en requérant la relaxe pure et simple sur l’intention de favoritisme pour Valérie Damaseau et Daniel Gibbs.
Le tribunal rendra sa décision le 24 février prochain.
Le tribunal rendra sa décision le 24 février prochain.
PRECISIONS SUR LE CONTEXTE DU PROCES ET LES AFFAIRES JUGEES |
Le procureur Sicot a pris ses fonctions de procureur de Basse-Terre en octobre 2020 en succédant à Jean-Luc Lennon, lequel, suite à la nomination du ministre de la justice Eric Dupont Moretti en juillet 2020, avait demandé à être déchargé de ses fonctions de procureur au parquet de Basse-Terre. C’est donc avec « un regard neuf » que Xavier Sicot a assuré la continuité des dossiers qui étaient en cours. Outre l’affaire relative à des suspicions de favoritisme et de détournement de fonds publics concernant les experts d’assurés qui a été déclenchée à la suite d’une dénonciation anonyme (lire notre édition de mercredi 19 janvier), les autres affaires jugées lundi et mardi derniers au tribunal de Saint-Martin, ont été déclenchées à la suite de signalements effectués auprès du parquet de Basse-Terre, par la préfète Sylvie Feucher qui était alors en fonction à Saint-Martin. Appelée pour la première fois le 19 décembre 2019, le procès des élus a fait l’objet de quatre renvois, soit du fait d’empêchement des avocats ou de contraintes liées à la crise sanitaire. Ce procès dont le délibéré sera rendu le 24 février 2022 est intervenu à quelques semaines des échéances territoriales programmées les 20 et 27 mars prochains. |