Scandale du chlordécone :
31 December 2021
Le décret reconnaissant le cancer de la prostate comme maladie professionnelle « représente une avancée mais reste insuffisant ». Le 22 décembre dernier, le décret a été publié au Journal Officiel. Il reconnaît le lien entre le cancer de la prostate et l’exposition au chlordécone pour les exploitants de bananeraies et les ouvriers agricoles et permet une indemnisation financière. Une première avancée dans ce dossier décrié comme véritable scandale sanitaire et d’Etat, mais qui resterait encore très insuffisante.
Pour prétendre à l’indemnisation enétant reconnues comme victimes du chlordécone, les personnes concernées doivent toutefois démontrer avoir été exposées pendant au moins 10 années à la molécule incriminée et par ailleurs que moins de 40 ans se sont écoulées entre leur dernière exposition et le diagnostic du cancer de la prostate. Des restrictions qui limitent de façon substantielle le nombre de personnes concernées par le décret alors qu’il a été démontré par les scientifiques que plus de 90% de la population de la Guadeloupe et de la Martinique sont contaminés par le poison. Pour Harry Durimel, avocat et maire de Pointe-à-Pitre, l’un des premiers à avoir, dès 2006, pris à bras le corps ce qu’il dénonçait être un véritable scandale d’Etat, sanitaire et environnemental, « ce décret représente une avancée, mais la cause est loin d’être gagnée. La reconnaissance du seul cancer de la prostate dans le milieu professionnel reste insuffisante puisque ce sont 92% des populations de Guadeloupe et de Martinique qui sont contaminées, par les aliments, par les végétaux, par l’eau… ». Une contamination des sols et de toute la nappe souterraine des deux îles que les chercheurs de l’Inserm ont décrétée pour une durée minimum de 700 ans. Les chercheurs ont également mis en lumière les liens entre le chlordécone et d’autres effets dévastateurs sur la santé : c’est un perturbateur endocrinien qui a des effets sur le développement du nourrisson qui aujourd’hui encore présente des traces de la molécule dans le sang, sur la fertilité et sur le système nerveux. Concernant les chiffres, ce sont en Guadeloupe plus de 500 personnes par an qui développent un cancer de la prostate et la mortalité face à cette maladie est doublée par rapport aux chiffres de l'Hexagone. La Martinique détiendrait quant à elle le triste record du monde des cancers de la prostate. Selon Harry Durimel, « l’Etat a failli dans sa mission constitutionnelle de protection de la santé des populations ». C’est en ce sens que l’avocat fervent défenseur de cette cause avait déposé une plainte au pénal en 2006 contre l’Etat. Une affaire toujours en cours et pour laquelle le procureur du Tribunal judiciaire de Paris a requis un non-lieu.
Les autorités connaissaient pourtant la dangerosité sur la santé
Pour mémoire, le chlordécone a été un pesticide utilisé pendant plusieurs décennies, dans les plantations de bananes afin de lutter contre les charançons dévastateurs pour la filière. La dangerosité du produit a été dénoncée dès les années 1970 et ce dernier a été interdit en 1976 aux Etats-Unis. Malgré la connaissance de son ultra-toxicité pour l’homme mais aussi pour la faune, l’eau et les végétaux, il a continué à être utilisé en France jusqu’en 1990, où il a été interdit. Par dérogation, le chlordécone a continué à être autorisé jusqu’en 1993 en Guadeloupe et en Martinique.
La publication de ce décret avait été annoncée dès l’automne par le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie. Il ouvre aux agriculteurs concernés l’accès à un fonds créé en 2020 et destiné à indemniser les personnes atteintes de maladies liées aux pesticides, des indemnisations qui représenteraient au niveau individuel entre 1.000 et 19.000 euros par an environ pour un exploitant agricole. « Cela représente un plan à 92 millions d’euros », a encore indiqué le ministre Denormandie.
La publication de ce décret avait été annoncée dès l’automne par le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie. Il ouvre aux agriculteurs concernés l’accès à un fonds créé en 2020 et destiné à indemniser les personnes atteintes de maladies liées aux pesticides, des indemnisations qui représenteraient au niveau individuel entre 1.000 et 19.000 euros par an environ pour un exploitant agricole. « Cela représente un plan à 92 millions d’euros », a encore indiqué le ministre Denormandie.