Jules Charville, l'interview
97150 : Tout d’abord merci de nous recevoir à votre QG situé rue de la République.
Concernant votre programme, vous annoncez dans votre manifeste qu’au cours de ces dernières années Saint-Martin a été détournée de sa trajectoire et que les cinq prochaines années seront les plus difficiles et les plus déterminantes. Je vous cite, « nous devons changer le cap et redéfinir qui nous sommes en tant que peuple et pays. Que proposez-vous ?
Jules Charville : Pour les cinq prochaines années, il faudra tout mettre à plat si on arrive au pouvoir. Même moi, en tant qu’élu de l’opposition, il y a beaucoup de choses, de vérités que je ne connais pas. Ils nous disent ce qu’ils veulent nous dire, je peux vérifier certaines choses, mais, la vérité même, je ne la connais pas.
Les vrais chiffres du budget, il va falloir qu’on arrive à les connaître, et c’est en les connaissant qu’on pourra dire, « voilà la situation réelle de la Collectivité », et à partir de là prendre des mesures, avoir des préconisations.
Il nous faut aller au-devant. Aujourd’hui on est en train de faire marche arrière à cause de la combinaison de beaucoup de choses, le fait que pendant dix ans, on ait affronté une instabilité politique, que ce soit la mandature de 2007 à 2012 ou celle de 2012 à aujourd’hui.
Il y a un développement économique potentiel énorme et nous concentrer à prendre les mesures nécessaires pour faire avancer le pays. Quelles mesures ? Il faut remettre ça à plat, et en tant que Generation Hope nous pensons qu’il faut passer, graduellement, du système de taxation directe à une taxation indirecte.
Ca permettra aux sociétés d’avoir une baisse de leurs impôts. Pour les charges sociales il faut faire en sorte, en négociant avec l’Etat, que pendant quatre ou cinq ans, il n’y ait pas de charges sociales ou au moins une baisse de 50 %. Parce que c’est ce qui tue les entreprises. Il faut faire en sorte que ces entreprises aient de l’oxygène.
Tout le monde constate que Marigot est en train de mourir. Il va falloir faire revivre Marigot, non pas par un projet de front de mer tel qu’il a été présenté et conçu par la mandature actuelle. Avant de penser à un projet de front de mer, il faut rénover Marigot. Il faut faire revivre les commerces et s’occuper de la sécurité. Il n’y a pas de visibilité de police territoriale, donc les gens se sentent en insécurité parce qu’ils se font toujours agresser. Les commerces souffrent à cause de cette insécurité.
97150 : La reconstruction de l’économie est une de vos préoccupations et vous avez parlé, pour renforcer cette croissance économique, de créer une banque d’investissement. Comment fonctionnerait cette banque ?
Jules Charville : On ne peut pas dire exactement comment ça va fonctionner. On peut vous donner le concept. Ce sont des banques qui faciliteraient l’entreprenariat, car aujourd’hui les jeunes entrepreneurs saint-martinois, je dis bien saint-martinois, ont à faire face à un manque de financement.
Ils ont des difficultés à financer, bien qu’ils aient de quoi hypothéquer, mais les banques ne suivent pas, elles refusent de leur donner des prêts.
97150 : Quand vous parlez des saint-martinois, vous parlez des natifs ou de la population en général ?
Jules Charville : Des natifs. C’est une réalité, je l’ai vécu et il y en a qui la vivent encore aujourd’hui. Lancer une affaire, acheter un terrain, construire une maison, c’est très, très difficile, c’est très compliqué pour les natifs.
C’est dans ce but-là, aider les natifs à entreprendre, à évoluer, économiquement parlant.
97150 : Dans le domaine du système éducatif que vous voulez adapter et améliorer, vous voulez aussi inclure la culture saint-martinoise dans le programme scolaire, développer un plan Marshall pour Saint-Martin. Comment vous pensez mettre tout ça en pratique ?
Jules Charville : Ce sont des idées, des concepts. C’est ce qu’on aimerait faire, mais c’est seulement en arrivant au pouvoir qu’on verra vraiment ce qui est possible et ce qui n’est pas possible. Nous ne faisons pas de vagues promesses, ce sont des choses que nous aimerions faire.
Je le dis bien et nous allons le répéter durant la campagne, nous ne savons pas si ce que nous voulons faire sera possible. C’est en arrivant à la présidence qu’on pourra dire voilà ce qu’il est possible de faire à court terme, à moyen terme, à long terme et voilà ce qui n’est pas possible. Nous ne voulons pas faire rêver les gens. Ce sont des idées que nous avons, que nous aimerions mettre en place, mais on ne connaît pas la vraie situation de la Com pour l’instant.
97150 : Vous voulez vous engager envers la population à réformer et à redéfinir l’administration territoriale. Comment comptez-vous vous y prendre, parce que faire bouger tout ce qui est administration territoriale, ça risque d’être un peu compliqué.
Jules Charville : Effectivement c’est compliqué. Il y a toujours eu un manque de communication. De 2012 à aujourd’hui, il y a eu un manque considérable de communication entre le Conseil exécutif, en particulier la présidente, et les chefs de services.
Il y a encore des chefs de services qui n’ont, jusqu’à ce jour, jamais rencontré la présidente. C’est inadmissible. On se rend compte assez rapidement, une fois qu’on est élu président, qu’on n’arrive pas à faire avancer les choses parce que ça bloque au niveau de l’administration. Mais s’il n’y a pas de communication, que vous ne savez pas pourquoi ça bloque et que vous n’essayez pas de savoir…
Donc, dans un premier temps nous allons réunir tous les chefs de services et essayer de savoir en fonction de la situation, ce qu’il faut faire pour faire avancer les choses.
97150 : Vous parlez d’établir des relations plus fortes entre les communautés qui composent le tissu social de Saint-Martin et éradiquer les disparités sociales qui existent entre elles, afin d’encourager le « mieux vivre ensemble ». C’est également un point qui est compliqué à réaliser, parce qu’il y aura toujours des disparités sociales.
Jules Charville : Oui, mais les adoucir, rendre les relations plus faciles. On ne pourra jamais empêcher que ce soit taux zéro, mais au moins travailler là-dessus. Il fut un temps à Saint-Martin où il n’y avait pas de disparités sociales, c’est arrivé au fil du temps.
A Saint-Martin on a la chance que les différentes communautés s’entendent à peu près bien et qu’il n’y a pas de guerre, mais on sent qu’il y a parfois des tensions. Il faut apaiser ces tensions et faire en sorte qu’on vive bien et, qu’entre les communautés, ça continue à bien se passer.
97150 : Qu’est-ce que vous comptez prendre comme mesures pour y parvenir ?
Jules Charville : Déjà travailler sur le chômage. Pour les jeunes qui sont au chômage, on sent chez eux une certaine volonté de se révolter. Ils se sentent déconnectés, délaissés. Donc faire en sorte qu’ils soient intégré, qu’ils se sentent intégrés dans la société et qu’ils sentent qu’on s’occupe d’eux.
97150 : Dans votre programme, il y a un point mystérieux. Vous envisagez de développer les quartiers et découvrir les Sept Merveilles du pays « Saint-Martin Nord ». Ca signifie quoi ?
Jules Charville : (Rire) C’est quelque chose qui ne vient pas de moi. Ca vient de deux membres de la liste. Mais franchement je ne sais pas de quoi ils parlent.
Les Sept je ne les connais pas, mais je sais qu’une des merveilles, qu’on ne voit plus, est à Oyster Pond. Il y a une petite plage avec du sable vert. Elle est toujours là, mais la population n’a plus accès à cette plage car elle est privatisée.
ça a été une des merveilles quand j’étais jeune et qu’on prenait plaisir à aller sur cette plage. Les six autres il faudra que je vous les donne après l’interview (rire). (Après s’être renseigné, il apparaît qu’il s’agit des six Conseils de quartier et de l’île de Saint-Martin, elle-même).
97150 : Vous avez l’intention de redéfinir la mission de la Semsamar et établir de nouveaux objectifs afin d’en favoriser l’expansion vers de nouveaux territoires. Qu’est-ce que vous entendez par là ?
Jules Charville : A Saint-Martin, la Semsamar est connue surtout pour la construction de logements sociaux. Des logements sociaux peut-être qu’on peut encore en construire, mais avec un autre concept. Il faudrait que ce soit des logements modernes, du genre qu’ils construisent en Guadeloupe, par exemple.
Un rapport sur la Semsamar nous a été remis à la Collectivité au mois de novembre 2016 et j’ai été agréablement surpris de voir la qualité de construction des logements sociaux en Guadeloupe. Cela n’a rien à voir avec ce qu’ils construisent ici.
On a parlé des propriétaires terriens saint-martinois qui ont des problèmes pour être financés, la Semsamar pourrait intervenir et, avec des arrangements de partenariat, les accompagner dans leurs projets. La Collectivité est actionnaire à 51 % et sa mission serait redéfinie ici. Ailleurs aussi, notamment en Guyane, où je pense qu’il y a beaucoup à faire et un potentiel énorme, car y a un « boum » en ce qui concerne le logement.
97150 : Vous voulez créer un drapeau du pays « Saint-Martin Nord » et travailler sur un objectif à long terme qui est l’autonomie. De quelle façon vous allez mettre ça en place et est-ce que vous souhaitez l’indépendance de Saint-Martin ?
Jules Charville : Personnellement je ne veux pas l’indépendance. Pour être indépendant il faut être indépendant économiquement et ça nous sommes loin de l’être.
Autonomie, oui. Malheureusement, pour l’instant nous n’avons que l’autonomie fiscale, alors que nous devrions avoir l’autonomie comme elle existe en Polynésie Française. Nous avons un semblant d’autonomie. Il faut qu’on arrive à devenir autonome tel qu’on devrait l’être et pour cela il va falloir qu’on modifie notre loi organique. Une fois qu’on aura la vraie autonomie, mais ce n’est pas pour demain, ceux qui seront là, peut-être qu’ils vont aspirer à autre chose et à devenir indépendants. Mais ce n’est pas du tout le but de Generation Hope.
97150 : Pour conclure, quel est le message que vous voudriez adresser à la population ?
Jules Charville : Saint-Martin a encore énormément de potentiel, mais ce qui manque c’est mettre en place la bonne équipe et nous pensons que nous avons une équipe bien équilibrée. Une équipe qui ferait peut-être hésiter certaines personnes pour voter Generation Hope vu la jeunesse de certains de nos candidats. Mais il ne faut pas les sous-estimer, parce que la plupart d’entre eux sont des personnes qui ont travaillé pour l’administration, certains sont des entrepreneurs, certains ont Bac + 6 ou 7 et ont de l’expérience.