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La Collectivité étend son droit de préemption

Par Ann Bouard
03 May 2024

Décidé suite à l’annonce de la vente aux enchères des parcelles Beauperthuy le 13 mai prochain, le conseil territorial de mardi dernier avait un seul point à l’ordre du jour, le droit de préemption de la Collectivité sur le foncier, se traduisant par deux délibérations.

Initialement, ce sont quatre délibérations qui auraient dû être soumises au vote. Les deux dernières, instituant le droit de préemption sur les terres agricoles et les espaces naturels, ont été supprimées le matin même, car nécessitant la consultation de la commission agricole et l’intégration d’un projet d’aménagement pour les espaces naturels. Les deux, concernant les propriétés foncières et les zones urbaines ou à urbaniser, ont fait l’objet de modifications entraînant une suspension d’audience dès le début du conseil afin que les élus puissent prendre connaissance du nouveau document.

APPEL AU VOTE UNANIME

Dans son discours d’introduction, Louis Mussington a justifié l’importance de ces délibérations par l’obligation de « rétablir de l’ordre là où le désordre semble prévaloir et d’améliorer la cohésion sociale ». En cause, le désordre foncier qui, depuis des années, anime le territoire et que la Collectivité souhaite résoudre en se dotant d’un droit de préemption statutaire.

« Outre le fait de remédier à la situation socialement préoccupante de la difficulté d’accession à la propriété ou de logements», le Président veut « assurer aux générations futures que le territoire qui leur a été légué est encore intact au niveau de son âme », avec une Collectivité dotée d’un vrai pouvoir d’agir. En conclusion, il a formulé le voeu que les deux points soumis au vote du jour soient adoptés à l’unanimité dans l’intérêt de tous les Saint-Martinois.

PRECISIONS JURIDIQUES

Léonie Flanders, directrice des affaires juridiques de la Collectivité, a apporté quelques précisions quant au cadre statutaire de ces délibérations. Si les collectivités ont toujours eu le droit de préempter les ventes à la condition d’y adosser un projet d’utilité publique, ce ne sera plus le cas pour celle de Saint-Martin. Elle disposera d’un droit de préemption, dans un délai de deux mois à réception de la déclaration. Cela concerne tous les transferts effectués sur le territoire à l’exception des donations en ligne directe jusqu’au 4e degré. Ne sont pas soumis au droit de préemption les transferts de personnes pouvant justifier de cinq années de résidence fiscale à Saint-Martin et celles ayant leur siège social sur le territoire. Le droit de préemption sur les zones urbaines ou à urbaniser, pourra être institué par délibération du conseil exécutif en vue d’opérations d’aménagements dans le cadre de la politique de l’habitat. Le CESC a donné un avis favorable sur les deux délibérations suggérant toutefois que la durée de résidence soit portée à 7 ans, voire 10 ans.

DEBAT HOULEUX

Dans l’opposition, si le principe même des délibérations n’est fondamentalement pas remis en cause, c’est la manière de faire de la majorité qui est dénoncée. Michel Petit, 4e vice-président, pourtant dans la majorité, a fait lui aussi le constat que ce conseil ne se serait pas tenu sans l’annonce de la vente aux enchères de mai et a proposé de rectifier certains points du dossier. Tous les élus de l’opposition s’accordent sur le fait qu’il aurait fallu plus de temps pour évaluer certains points, comme la rétrocession des terrains qui pose question, notamment ceux achetés par l’Établissement foncier de Guadeloupe sur lequel s’appuie la Collectivité. Une question soulevée par Alain Gros-Desormeaux a qui le Président a rétorqué « vous allez plus vite que la musique !», précisant qu’une politique en la matière restait à définir. Mélissa Rembotte a, pour sa part, suggéré que les décisions de préempter les zones urbaines soient soumises au Conseil Territorial et non au conseil exécutif, mais a essuyé un refus de la part d’Alain Richardson. Par ailleurs, le fait d’indiquer en préambule à mots couverts que ne pas voter pour ce droit de préemption signifiait que l’on ne souhaitait pas aider les Saint-Martinois a été mal perçu. Jules Charville s’en est offusqué, répliquant au Président qu’il n’avait pas le monopole de l’amour de ce territoire. Il n’a pas manqué de lui rappeler que s’il avait fait l’offre en temps et en heure à l’administrateur de la succession Beauperthuy « on en serait pas là à essayer de trouver une solution dans l’urgence ».

DROIT A L’EXPRESSION BAFOUE

Le Président et le 1er vice-président ont coupé court aux remarques, ce qui a déclenché un tollé du côté des élus de l’opposition qui se sont levés et ont quitté la salle, refusant de « porter le chapeau » des conséquences de ces textes qui interdisent aux Saint-Martinois de vendre à qui ils veulent.

C’est donc tronqué de 6 membres, que le Conseil a adopté la première délibération à l’unanimité des élus de la majorité. Il en a été de même pour la seconde délibération, votée en l’absence de Louis Mussington cette fois, appelé auprès du Préfet en vue de la préparation de sa rencontre avec l’administrateur judiciaire de la succession Beauperthuy. Comme demandé par la ministre déléguée à l’Outre-mer lors de sa visite, c’est en effet le Préfet qui se fera le médiateur dans cette affaire. Les élus de l’opposition ont fait remarquer que le Président aurait dû être présent pour cette entrevue.

Ann Bouard