NEW AIR ANTILLES : Les avions « cloués au sol » et « le personnel en chômage partiel »
Lors du Conseil Territorial du 4 décembre 2023, une Décision Modificative du Budget 2023 de la Collectivité de Saint-Martin a été soumise au vote des élus. Cette décision aboutit à la déprogrammation de plusieurs projets d’investissements structurants pour le territoire à la faveur de financements de la SEM NEW AIR ANTILLES, à hauteur de 13 200 000 euros.
Revenons sur les débats qui ont occasionnés un vote défavorable de la TEAM GIBBS 2022 à cette délibération, néanmoins adoptée par la Majorité, ainsi qu’aux questions que nous avons posées et aux réponses apportées par le Président Mussington et sa Majorité.
REPRISE DES ACTIFS DE LA SOCIETE CAIRE / COMPAGNIE AIR ANTILLES EXPRESS
Dans le contexte de la liquidation judiciaire de la société CAIRE, nous avons appris par voie de presse, sans aucune consultation préalable, que la Collectivité de Saint- Martin avait soumis une offre de reprise partielle des actifs de la société AIR ANTILLES EXPRESS (Desserte Antilles). Nous avons tout d’abord souligné un manque de transparence vis-à-vis des élus dans le cadre de cette opération. En effet, les documents de cette offre de reprise ne nous ont été communiqués qu’à la veille du Conseil Territorial du 20 septembre 2023, mettant au vote : la création de la SEM NEW AIR ANTILLES (SEM NAA), l’approbation de ses statuts, le pacte d’actionnaires, la participation de la COM à hauteur de 60 % au capital social soit 1.2 M€, avec pour partenaire la société CIPIM, maison mère du Groupe EDEIS (Gestionnaire de l’aéroport de Grand-Case), à hauteur de 40% du capital soit 800 K€. - Question de la TG 2022 lors de ce Conseil : Avez-vous les moyens de vos ambitions et comment allez-vous financer ce rachat ? - Réponse du Président Mussington : Nous sommes prêts pour engager cet investissement, « Nos Billes sont là » ! Il s’agissait, à cette occasion de reprendre pour un montant de 400.000 € :
- Les actifs, contrats et participation aux titres de 5 avions, une convention d’occupation précaire et le bail pour des locaux à l’aéroport Pôle Caraïbes
- Des créances pour des billets non utilisés à hauteur de 4 M€
- Des salariés au nombre de 120 reprenant leur ancienneté et divers droits acquis. Le prévisionnel d’exploitation de la SEM NAA prévoyait une prestation d’affrètement par une autre compagnie aérienne durant la période transitoire de 3-6 mois, nécessaire à l’obtention de la licence et du Certificat de Transport Aérien (CTA) délivrée par la DGAC et ce afin qu’il n’y ait pas d’interruption de service.
Bien que l’absence d’interruption de service ait été présentée comme prioritaire par le Président Mussington et sa majorité, nous savons aujourd’hui que cette condition ne peut pas être remplie en raison « du coût trop élevé de la prestation ».
En conséquence la liaison Saint-Martin / Guadeloupe / Martinique est assurée par la Compagnie Air Caraïbes sur l’aéroport de Grand-Case et, tout récemment par Air France pour des vols le week-end à un tarif très compétitif, sur Princess Juliana.
La concurrence s’organise... Pourtant, pour reprendre les mots du Président Mussington : « les avions (de New Air Antilles) sont cloués au sol » !
INVESTISSEMENTS DÉPROGRAMMÉS
Lors du récent Conseil Territorial du 4 décembre, il a notamment été proposé aux élus de déprogrammer des investissements pour un montant de 13.2 Millions d’€ à savoir :
- Travaux bâtiments administratifs et scolaires
- Rénovation stade et plateaux sportifs
- Médiathèque et réhabilitation église
- Enfouissement des réseaux
Au bénéfice d’investissements financiers dans la SEM New Air Antilles, soit :
- Apport au capital de la SEM NAA 1.2 M€
- Apport garantie financière DGAC (pour l’obtention du Certificat de transport aérien, le CTA) 6 M€
- Apport en compte courant pour pourvoir au besoin d’exploitation de la SEM 6 M€
La Team Gibbs 2022 s’est indignée de cette déprogrammation d’investissements dont les financements avaient été sanctuarisées par la mandature 2017-2022. Ces investissements étant indispensables au développement de Saint-Martin, et donc à la population entière, nous avons interpellé le Président Mussington sur ce point :
Question de la TG 2022 : Pour quelle raison exacte ces projets ont-ils été déprogrammés et quel est leur avenir?
Réponse de la Présidence : Il s’agit de « retards conjoncturels dans l’avancement de ces projets de travaux - Ces investissements seront reprogrammés sur le budget 2024 ».
Question de la TG 2022 : À combien évaluez-vous la perte de fonds européens potentiellement obtenus au titre de ces investissements, suite à leur déprogrammation ?
Réponse de la Présidence : Pas de réponse ! Notons qu’il s’agit véritablement d’une double peine pour le portefeuille des Saint-Martinois, puisqu’il y aura assurément des dégagements d’office d’aides européennes sur ces investissements déprogrammés, alors même que les investissements financiers de la SEM New Air Antilles ne sont pas éligibles aux fonds européens.
INVESTISSEMENTS FINANCIERS POUR LA SEM NEW AIR ANTILLES :
La Collectivité s’est donc engagée, pour le moment, à hauteur de 13.2 Millions d’€ dans ce projet, alors que ses propres charges de fonctionnement explosent, notamment en matière de charges de personnel, et ce au détriment de projet structurants.
La situation financière de la Collectivité lui permetelle cet engagement ?
Trop de réponses n’ont pu être apportées par la Majorité :
- Quelle est la situation de trésorerie de la Collectivité à ce jour alors qu’elle était de 70 Millions d’€ au 31/12/2022 ?
Pas de réponse ! Silence assez paradoxal, quand l’on gère les flux financiers d’une Collectivité. C’est le premier constat à faire avant tout investissement ou décision d’emprunt.
- A-t-on envisagé l’éventualité d’une situation financière de la SEM NAA ne permettant pas de rembourser l’avance en garantie et l’apport en compte courant de la Collectivité, présentés aujourd’hui comme remboursables ?
Pas de réponse !
- Les apports du partenaire CIPIM se limiteraient à son apport en capital (800 000 €) et à un apport de 400 000 €, alors que le dossier de l’offre prévoit des apports à hauteur de sa participation de 40 % (cf. attestation d’engagement d’apport). Pour quelle raison la Collectivité doit-elle, seule, abonder à la trésorerie de la SEM?
Pas de réponse !
- Le prévisionnel d’exploitation a-t-il été actualisé en raison de l’interruption du service, puisque les recettes escomptées feront défaut et que d’autres charges viendront s’ajouter (entretien des avions au sol, personnel sans activité, etc.)?
Pas de réponse !
Le premier Vice-Président Alain Richardson a néanmoins précisé que :
- La SEM New Air Antilles devra par ailleurs chercher des financements pour son bon fonctionnement après obtention du Certificat de Transporteur Aérien (CTA). Un prêt AFD pourrait être mobilisé. Une aide de l’État devrait aussi être sollicitée.
- Le capital de la SEM NAA devrait être ouvert à d’autres investisseurs (il est en effet prévu dans l’offre de reprise que la CIPIM cède une partie du capital qu’elle détient au sein de la SEM).
- En l’attente de l’obtention du CTA, le chômage partiel a été sollicité par la SEM NAA au bénéfice du personnel repris d’AIR ANTILLES EXPRESS.
Ce à quoi nous répondons aujourd’hui :
- A quelle échéance la SEM New Air Antilles réussirat- elle à trouver un équilibre financier lui permettant de rembourser ses dettes, sans que la Collectivité n’ait à envisager de nouveaux apports (en l’absence de financements externes)?
- Quel est l’avantage de s’allier à un investisseur qui, dès le départ souhaite se désengager, à plus ou moins court terme, de sa participation et ne contribue, semble-t-il, que très marginalement aux apports à la SEM ? A noter qu’il n’est pas fait mention d’une entrée au capital de la Région Guadeloupe ou de la Collectivité de Martinique, pourtant concernés au premier chef par la desserte de leur territoire.
- Comment les 120 salariés de la SEM NAA et les syndicats réagiront-ils à cette mesure de chômage partiel, pendant et après la période transitoire, dans la mesure où leurs revendications principales concernaient, à Air Antilles Express, des revalorisations salariales ?
NOTRE POSITION
Nous entendons les arguments de la Majorité et son intérêt de voir SAINT-MARTIN bénéficier de liaisons aériennes la reliant aux autres îles des Antilles françaises. Nous aurions partagé cette ambition si elle était solidement bâtie et quelle ne constituait aucune menace pour les projets structurants attendus par les Saint-martinois, et pour la situation économique et financière de notre Collectivité.
Le report d’engagement en équipements et de travaux attendus par nous tous, habitants de Saint-Martin, nous paraît contraire à tout bons sens alors que l’île était maintenant prête à voir éclore les équipements qui lui font défaut.
En cette période de forte inflation et de baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens, il eut été tellement judicieux d’exploiter l’augmentation des recettes fiscales 2023 (que l’on doit en grande partie à la conjoncture géopolitique et à la fin de toutes restrictions sanitaires), pour doter le territoire de nouveaux investissements, autres qu’événementiels, au lieu de s’engager dans une aventure plus qu’hasardeuse, en reprenant l’exploitation d’une compagnie aérienne qui ne cessera de puiser dans les poches du contribuable Saint-Martinois.
Il nous apparaît donc tristement évident que nous aurons à traverser une longue zone de turbulences…
Daniel GIBBS
Philippe PHILIDOR
Marie-Dominique RAMPHORT
Alain GROS-DESORMEAUX
Conseillers territoriaux de la Team GIBBS 2022