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Affaire Beauperthuy : Contre la vente aux enchères de trois parcelles de terrain, la Collectivité va renforcer son arsenal juridique

Par Diane Pezeron-Dubois
12 April 2024

Après l’annonce de la mise aux enchères de trois parcelles appartenant à la famille Beauperthuy le 13 mai, plusieurs sites incontournables du territoire sont menacés. Refusant de voir la terre des Saint-Martinois spoliée, la Collectivité souhaite privilégier une solution à l’amiable et demande l’annulation de la vente. 

Ces terrains comprennent des sites connus de la population à savoir la Old House, qui abrite un musée ainsi que le Ranch du Galion. Une situation qui fait suite à la délicate affaire de succession de la famille Beauperthuy et qui fait couler beaucoup d’encre depuis plusieurs décennies.

Pour rappel, deux groupes s’opposent depuis les années 80 autour des nombreux terrains issus de l’héritage Beauperthuy. D’un côté, la branche de Saint-Martin et de l’autre celle formée au cours des années par plus de 300 héritiers résidant en Guadeloupe, au Venezuela ou encore aux États-Unis. Aujourd’hui, c’est actuellement 10 hectares de terrain qui sont mis en vente au prix initial de 2 500. 000 euros.

ASSURER LA PROTECTION DU PATRIMOINE FONCIER

Un coup de massue pour la Collectivité de Saint-Martin qui n’a pas appris la décision de mise en vente par l’administrateur… mais dans le New York Times ! Face à l’annonce, le président Louis Mussington a donné une conférence de presse ce jeudi matin dans les locaux de la Collectivité afin de faire le point sur ce dossier. «Nous devons assurer la protection et la sauvegarde de notre patrimoine foncier », a-t-il déclaré. Incompréhension pour la Collectivité qui, selon elle, négocie depuis plusieurs mois avec la famille pour acquérir les terrains. Le président a également assuré avoir rencontré à deux reprises l’administrateur judiciaire chargé de la succession Beauperthuy, pour faire savoir sa volonté d’acquérir la totalité des parcelles, dans l’optique de préserver ce patrimoine foncier et d’éviter toute spéculation immobilière. «J’estime aujourd’hui que nous avons tous été insultés, nous n’avons pas eu une réponse ni une réaction de l’administrateur, nous avons appris la nouvelle par voie de presse ».

UN CONSEIL TERRITORIAL EN URGENCE LE 30 AVRIL PROCHAIN

Pour pouvoir prétendre au rachat des terrains, Louis Mussington s’est également rendu en Guadeloupe et a obtenu la confirmation de l’Établissement Public Foncier de Guadeloupe (EPF) de se porter acquéreur pour la Collectivité, après une estimation du foncier par la Direction immobilière de l’État (DIE). «Grâce à cela nous aurons les éléments nous permettant de faire une proposition chiffrée et informer l’administrateur du montant que nous pouvons mettre sur la table », a déclaré Louis Mussington.

La Collectivité affirme sa volonté d’adopter une stratégie patrimoniale qui sera à l'ordre du jour du Conseil Territorial du 30 avril. Quatre délibérations seront examinées, avec l’objectif d’élargir l’exercice du droit de préemption de la Collectivité sur le territoire. Les quatre délibérations doivent porter sur le droit de préemption statuaire, le droit de préemption urbain, mais aussi le droit de préemption urbain renforcé, qui est limité à 14 ans non renouvelables. Enfin, le droit de préemption des espaces naturels sensibles viendra compléter les quatre délibérations. Enfin le président Mussington a annoncé une mobilisation pacifique le samedi 20 avril prochain. Le rassemblement est prévu devant Cadisco à 10h00 pour une marche symbolique jusqu’à la Old House. 

Association les Fruits de Mer : «Nous sommes inquiets»

Conséquence directe de la mise aux enchères des parcelles : l’incontournable Old House datant de 1766 ainsi que le musée Amuseum Naturalis, qu’elle abrite, sont aujourd’hui menacés. Mark Yokoyama et Jenes Yerkes ont installé leur association les Fruits de Mer dans la maison après Irma, la famille Beauperthuy ne souhaitant pas que les lieux soient laissés à l’abandon. «Les bénévoles ont fait un travail important afin de proposer notre musée gratuit à la population», explique Jenes. Le musée est gratuit et dédié au partage de toutes les histoires de Saint-Martin, mais aussi de la culture avec un parc de poésie qui met en vedette les poètes saint-martinois en français, anglais et espagnol. «On ne peut pas remplacer un lieu comme celui-là. La Old House fait partie intégrante de l’histoire du territoire », assure-t-elle. Les membres de l’association espèrent pouvoir trouver un autre endroit pour le musée si le lieu devait être vendu. «La maison doit être sauvée, il faut que les nouvelles générations puissent connaître le patrimoine de l’île », conclut Jenes Yerkes. 

Ranch du Galion : «Mes chevaux risquent d’être euthanasiés»

«Quand j’ai commencé à sauvé les chevaux de l’île, j’ai rencontré Pierre Beauperthuy qui m’a proposé de m’installer sur ce terrain en 2014. Aujourd’hui je suis fière de ce qu’est devenu le ranch », explique Jessica Della-Vedova. Avec la vente aux enchères, le ranch et ses 28 chevaux sont plus que jamais menacés. Depuis des années, le lieu met en place des activités pour les enfants de l’île lors des vacances scolaires ainsi que des événements pour les enfants de Quartier d’Orléans. «J’ai encore de nombreux projets pour l’année 2025 avec les enfants », poursuit-elle. Jessica est formelle. ««Je ne partirai pas, par loyauté pour la famille Beauperthuy », assure-t-elle. D’ailleurs, le ranch du Galion n’a pour le moment pas de plan B en cas de vente. « Mes chevaux qui ne peuvent pas quitter le territoire risquent d’être euthanasiés si je dois partir des lieux », ajoute-t-elle. «J’ai envie de croire que l’union fait la force, même contre des millions d’euros. Nous devons absolument bloquer cette vente ».    

Diane Pezeron-Dubois