Violences juvéniles : une situation schizophrénique
Face à la violence des faits qui se sont produits depuis la rentrée de septembre, et leur nombre, une conférence de presse se tenait mercredi en Préfecture pour faire un point anticipé sur une situation jugée de plus en plus préoccupante.
Ce bilan a été dressé par le Préfet Vincent Berton, le procureur de la République Xavier Sicot, le vice-recteur Harry Christophe, le commandant de la gendarmerie de Saint-Martin, le lieutenant-colonel Hugues Loyez et pour la Collectivité de Saint-Martin, la 3e vice-présidente, Dominique Louisy.
Une montée inquiétante de la violence
Selon le Préfet, une nette aggravation de la violence a été observée depuis septembre, marquée par des rixes fréquentes, des exhibitions d’armes à feu, des tirs, et une limite a été franchie le week-end dernier avec la fusillade à Sandy Ground. Ces phénomènes reflètent une fracture sociale grandissante sur l’île. "Nous assistons à une situation schizophrénique : d’un côté, des touristes viennent faire la fête, des gens vivent confortablement et de l’autre des jeunes dans les quartiers, sur fond de déstructuration de la famille, de misère sociale, d’échec scolaire, de désœuvrement se retrouvent dans la rue livrés à eux-mêmes et à toutes les mauvaises tentations", a-t-il souligné, avant d’alerter sur une possible explosion de la situation si aucune action immédiate n’est entreprise.
Le procureur Xavier Sicot dresse lui aussi un constat alarmant : les délits impliquant des mineurs sont en hausse (+19% en 2024). 102 mineurs sont actuellement suivis par la justice. À fin novembre, 92 vols à main armée ont été enregistrés, soit 32 de plus qu’en 2023. À ce jour 50 à 60 majeurs sont détenus à Basse-Terre, un chiffre jamais atteint auparavant. La délinquance est de plus en plus élevée et les faits de plus en plus graves.
Des bandes qui défendent leur territoire
Le lieutenant-colonel Hugues Loyez pointe un phénomène d’appropriation de l’espace public : des jeunes s’érigent en "défenseurs" de leurs quartiers, avec un système de codage établi, y compris à l’intérieur des établissements scolaires. Pour Xavier Sicot, "s’il est un lieu qui doit rester sacré, c’est bien l’école". Le procureur de la République déplore la banalisation des armes chez les jeunes et insiste sur la nécessité de renforcer les contrôles pour empêcher leur circulation dans les écoles. Le discours doit être d’une très grande fermeté sur la transgression des règles, voire la mise en place de sanctions disciplinaires, un sujet d’ores et déjà abordé par le Préfet avec le vice-recteur et la rectrice d’académie.
Par ailleurs, la fourrière toujours attendue devient une nécessité impérieuse pour pouvoir saisir, voire détruire les deux roues, car outre les incivilités sur la route, ils permettent de transporter les armes et de commettre des braquages. La vidéo surveillance non effective depuis Irma doit aussi être remise en place.
Des parents démissionnaires ?
La responsabilité parentale est largement mise en cause. "Comment des gamins de 14 ans peuvent-ils être dans la rue à 1h30 du matin ?", s’interroge le préfet. Le conseil des droits des familles pourrait être réactivé pour rappeler aux parents les règles, leur responsabilité et leurs devoirs. Les associations sont également appelées à jouer un rôle majeur dans l’accompagnement des jeunes et la création de lieux artistiques et sportifs où ils puissent s’exprimer.
Il y a quelques années de cela, la Collectivité tenait des réunions régulières avec le CLSPD, les établissements scolaires, les parents, où se discutait le cas des jeunes un peu problématiques. Un dispositif qui a malheureusement disparu, alors qu’il donnait vraiment de bons résultats regrette Dominique Louisy, qui plaide pour le retour de cet encadrement. "Un élève irresponsable deviendra un adulte irresponsable", affirme-t-elle.
Contrôles aléatoires et réflexion
Parmi les mesures envisagées pour endiguer cette violence, une présence des forces de l’ordre accrue aux abords des établissements scolaires ; trois contrôles aléatoires ont déjà été effectués cette semaine rue de Spring, mais tous les quartiers sont concernés. Jeudi matin, 18 gendarmes étaient déployés devant le lycée professionnel. Une présence rassurante aux dires des enseignants et des parents car elle permet d’apaiser les tensions entre jeunes. Ces contrôles aléatoires vont se poursuivre, avec également le concours de la Police territoriale, et sur réquisition du parquet les sacs des élèves seront vérifiés à la descente des bus. Les motards de la gendarmerie et l’équipe cynophile seront également mobilisés avec pour objectif de donner un coup d’arrêt aux violences et empêcher la circulation d’armes dans les établissements.
La volonté est d’agir a affirmé le Préfet annonçant la tenue d’Assises sur les violences juvéniles en février 2025 pour engager une réflexion collective. L’Éducation Nationale a commencé à réfléchir en interne sur les thématiques abordées a indiqué Harry Christophe. « Tout le monde doit prendre sa part de responsabilité face à cette situation qui est aujourd’hui très préoccupante» a conclu Vincent Berton.