Reconstructions post Irma : des aménagements épinglés par le tribunal

Si un premier restaurant, jugé le mois dernier pour l’aménagement d’une terrasse non conforme sur la plage de Grand Case a été relaxé des poursuites, les magistrats passent en revue tous les dossiers de reconstruction post Irma, n’ayant pas respecté le PPRN. Ce jeudi 10 avril, plusieurs dossiers étaient jugés, dont celui à nouveau d’un restaurant à Grand Case.
C’est une retraitée de 72 ans, qui était convoquée à la barre pour avoir exécuté, entre 2018 et 2021, des travaux sans permis de construire, et en infraction avec les dispositions du plan local d’urbanisme de Saint-Martin. La retraitée est propriétaire des locaux qui accueillent désormais le restaurant «Quai 58 ». Les plaignants, la Préfecture et la Collectivité, étaient absents à l’audience.
Une victime plaidant une désinformation
La dame indique timidement à la barre : “après le cyclone IRMA, qui a démoli entièrement le bar-restaurant construit sur un terrain appartenant au père de mon mari depuis 1933, j’étais perdue ; je ne savais pas qu’il fallait demander un permis de construire puisque j’avais déjà un restaurant à cet emplacement et j’avais besoin de retravailler ; dans la presse ont disait que l’on pouvait reconstruire à l’identique ”. Elle argue qu’une tierce personne, en 2018, avait tenté de reconstruire sur sa parcelle annexant celle relevant du domaine public. Elle ajoute avoir sollicité une demande de travaux cette année.
Une peine sévère requise par le ministère public
Le ministère public s’emporte un peu : “Madame, vous deviez demander une autorisation temporaire de travaux pour reconstruire après l’ouragan. Vous ne pouvez pas dire que vous ne saviez pas, car la Collectivité vous a dit qu’il n’y avait pas de régularisation possible et ceci depuis 2021. Ce n’est pas à la radio ou à la télévision de donner la loi. L’infraction est caractérisée, car le plan d’occupation des sols n’a pas été respecté évoquant l’inexistence du POS en 1930 ! ».
Le parquet requiert la démolition du restaurant dans les deux mois à compter du jugement (1500 € par jour d’astreinte en cas d’inexécution), une amende de 15 000 € et la publication de la décision dans un journal local.
L’avocat de la défense se dit “choqué de voir des personnes qui ont travaillé toute leur vie, se retrouver devant ce tribunal ». Il estime qu’en aucune façon, sa cliente à enfreint la loi. Il rappelle que le cyclone a été très violent pour les Saint-Martinois, précisant que les commerçants choqués d’avoir perdu leur gagne-pain, s’étaient un peu retrouvés livrés à eux-mêmes après ce drame. Pour lui, “si nul n’est censé ignorer la loi”, sa cliente est de bonne foi, pêchant davantage par ignorance et désinformation. Il s’étonne du montant de l’amende requis par le ministère public d’autant que les services de la Collectivité et de la Préfecture ne sont pas présents : ”ils n’ont pas dit clairement que ce dossier n’était pas régularisable et cela se discute au vu de sources jurisprudentielles”. Il demande à la cour de se montrer clémente, estimant que sa cliente est honnête et que cela constitue un crève- cœur pour cette retraitée de se résoudre à démolir le restaurant reconstruit sur cette parcelle que sa belle-famille puis que sa cliente et son feu mari avaient exploité depuis plus de 90 ans !
Il conclut sa plaidoirie en demandant à la cour « de statuer en fonction du fait qu’un cabinet d’architecte examine ce cas d’espèce et que les éléments techniques des autorités compétentes ne sont pas connus pour faire un choix éclairé, donc de surseoir à cette décision car exiger une démolition en deux mois coûtant environ 50 000 €, ne paraît pas raisonnable au vu des ressources de ma cliente".
L’affaire a été mise en délibéré le 5 juin.
