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Semsamar : le procès des anciens dirigeants

Par Ann Bouard
15 Octobre 2024

C’est un procès qui ne fait pas de bruit et pourtant. Au tribunal correctionnel de Paris s’est joué un épisode judiciaire important, qui concerne directement le territoire, celui des anciens dirigeants de la Semsamar. Jean-Paul Fischer, Marie-Paule Belenus Romana et Louis-Constant Fleming comparaissaient pour prises illégales d'intérêt, abus de biens sociaux et favoritisme.

Seuls Jean-Paul Fischer et Marie-Paule Belenus Romana étaient présents dès le 30 septembre devant les magistrats du tribunal judiciaire de Paris, Louis-Constant Fleming n’ayant pu faire le déplacement en raison de son état de santé, pour leur procès qui allait durer six jours. Les faits qui leur sont reprochés remontent à 2010 et avaient été mis à jour par la publication d’un rapport de la Mission interministérielle d’inspection du logement social, faisant état de dysfonctionnements au sein de la SEMSAMAR, qui pour rappel est un aménageur, bailleur social et opérateur immobilier à Saint-Martin, mais également en Guadeloupe, en Guyane et en Martinique. Traitée en premier lieu par le procureur de Basse Terre, l’affaire avait été reprise par le Parquet national financier (PNF) en 2015.

Le favoritisme au cœur des débats

Si les salaires et avantages que ce sont attribués Jean-Paul Fischer et Marie-Paule Bélénus Romana, plus d’un million d’euros par an, ont interpellé les magistrats, ce sont surtout les contrats passés avec des entreprises de prestations de services qui ont alimenté les débats durant ce procès-fleuve. En effet, pour le PNF, ces contrats ne respectaient pas les conditions établies pour les marchés publics et concédaient des avantages directs aux dirigeants. Marie-Paule Belenus Romana, a ainsi acheté à la Semsamar qu’elle dirigeait trois appartements en Guadeloupe à un prix défiant toute concurrence pour se constituer son patrimoine immobilier personnel. Il lui est également reproché, alors qu’elle était présidente et actionnaire principale de Guadeloupe Télévision, d’avoir ordonné le versement de 300 000 € au capital de la chaîne télévisée par la Semsamar, dont elle était également directrice générale.

De son côté, Jean-Paul Fisher avait réussi à obtenir quatre contrats avec la Semsamar pour sa propre société de conseil, sans appel d’offres, ni aucune mise en concurrence.  

Une procédure possible, car dès son arrivée à la tête de la Semsamar, la directrice avait modifié les conditions  de passation des marchés spécifiques, en autorisant pour ceux inférieurs à 90 000€ qu’il n’y ait pas de mise en concurrence. Plus d’une dizaine de marchés publics passés entre la Semsamar et différents prestataires de services ont été passés en revue lors du procès. D’autre part, selon les magistrats, Jean-Paul Fischer décidait seul du choix des commissaires aux comptes, des experts-comptables et autres prestataires, et ce en faveur des intérêts des dirigeants de la Semsamar.

Concernant Louis-Constant Fleming, tour à tour Président et administrateur, c’est un terrain de 11 ha d’une valeur de 6,1 M€, propriété de sa mère, vendu à la Semsamar qui a posé question. Il a organisé la vente, négocié le prix et encaissé l’argent.

Le rapport de la mission interministérielle d’inspection du logement social a mis au grand jour ces petits arrangements. Il était obligatoire pour les dirigeants de remettre de l’ordre dans les affaires… mais cela aura pris plusieurs années, ce qui est bien trop long aux yeux de la justice.

Clap de fin en décembre

Le 10 octobre, sixième et dernier jour d’audience, le Parquet National Financier a indiqué que les faits reprochés à Louis Constant Fleming n’étaient pas caractérisés, ce qui laisse entendre que l’ancien sénateur pourrait bénéficier d’une relaxe.

Concernant les deux autres incriminés, le réquisitoire a été bien plus aiguisé. Le PNF a requis à l’encontre de Marie-Paule Bélénus Romana une peine de 18 mois de prison, totalement assortie du sursis, 50 000 € d’amende, l’interdiction de gérer une entreprise pendant une période de cinq ans et la confiscation des saisies judiciaires à hauteur de 318 000 €. Mais les peines les plus lourdes ont été requises à l’encontre de Jean-Paul Fischer pour qui le PNF a jugé que les infractions devaient être punies de 24 mois de prison avec sursis, de 75000 € d’amende, d’une interdiction de gérer pendant cinq ans et la confiscation des saisies judiciaires à hauteur de 536000 €.

Les avocats des trois dirigeants incriminés ont de leur côté tenté de démontrer que le dossier manquait de preuves tangibles sur de nombreux points. Ils se disent confiants quant à l’issue de ce procès. La décision du tribunal sera rendue le 19 décembre prochain.

Ann Bouard