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Sauver l’abeille de Saint-Martin est une urgence

Par Ann Bouard
12 Septembre 2023

L’Association des Apiculteurs de Saint-Martin (AAPISM) lors de la formation organisée en juin dernier avait profité de la venue sur le territoire des apiculteurs de Guadeloupe pour faire un point sanitaire sur les abeilles de Saint-Martin. La situation est alarmante et l’association tire la sonnette d’alarme sur une crise sanitaire inédite. 

Signalé pour la première fois en France en 1982, le varroa, a épargné les abeilles saint-martinoises pendant près de 40 ans. L’étude sur la population d’abeilles menée en 2016 ne faisait d’ailleurs état d’aucun parasite. Mais en janvier 2022, la présence du nuisible a été détectée sur deux ruches. En cause, l’importation, en partie française ou en partie néerlandaise, d’essaims de variétés d’abeilles différentes de l’abeille autochtone, l’Apis melifera, et porteuses de maladies.

Depuis la situation s’est aggravée et toutes les ruches sont touchées. Le taux d’infestation est bien au-delà de la norme, plus de 5%, et met en péril les abeilles si des traitements ne sont pas effectués en urgence.

LE MAILLON ESSENTIEL DE LA BIODIVERSITÉ EN DANGER

Cet acarien, originaire d'Asie orientale, aussi nommé varroa destructor, est un parasite qui se reproduit dans les ruches. Il colonise les abeilles adultes et les larves et se nourrit de leur sang. Les abeilles butineuses, en se déplaçant à l’extérieur de la ruche favorisent sa propagation.

Saint-Martin avait la chance d’abriter, à 92%, une abeille réputée docile, non agressive et saine. L’importation d’abeilles aura pour conséquence à termes de modifier le profil génétique de l’abeille locale au profit d’abeilles plus agressives, à l’instar des abeilles de Guyane, qui ont provoqué la mort d’une femme le mois dernier. Le risque est que ce parasite la fasse peut-être même disparaître à tout jamais. Rappelons que l’abeille joue un rôle essentiel dans la vie sur terre. Comme tous les insectes pollinisateurs, elle contribue au développement des plantes et des cultures vivrières. Sans elles, on estime qu’un tiers de la nourriture consommée par les humains disparaitrait.

NE PAS ATTENDRE POUR TROUVER DES SOLUTIONS

En 2022, l’AAPISM avait alerté les services de la Collectivité et les services vétérinaires de la Préfecture. Ces derniers avait indiqué être prêts à accompagner l’AAPISM sur son plan de gestion du varroa. Un an plus tard les choses n’ont pas avancé. Il est désormais urgent pour l’association de définir un programme sanitaire d’élevage et de le déposer afin d’obtenir l’agrément nécessaire à la commande des traitements.

La SCEA APIS Caraïbes, dont trois de ses membres étaient présents sur le territoire en juin pour dispenser la formation recommande auparavant d’effectuer un diagnostic complet de l’état sanitaire chez tous les agriculteurs et apiculteurs. Comptabiliser les essaims sur la partie française mais également sur la partie hollandaise est l’un des projet de l’association pour 2024. Un programme de formation sur la manière de traiter est aussi à envisager. Cinq traitements différents existent, dont certains entièrement biologiques, mais tous nécessitent une gestion avec des moyens dont l’association ne dispose pas actuellement, notamment un terrain pour entreposer les fameux produits. La recherche de terrains est devenue une urgence, non seulement pour l’entreposage, mais également pour pouvoir multiplier les colonies. Lors de la récupération d’essaims, il est en effet nécessaire de pouvoir les implanter dans des ruches à plus de 3km du lieu, sans quoi les abeilles retournent aussitôt à leur emplacement initial. Un terrain à Concordia et un autre à Quartier d’Orléans, avec baux agricoles, permettraient également d’installer des ruchers école, pour transmettre aux plus jeunes… et accessoirement éviter les vols de ruches qui sont devenus monnaie courante ces derniers temps.

En installant de manière intrinsèque les essaims sauvages dans des ruches ou en démultipliant les essaims existants, nul besoin d’importer des abeilles et cela permettrait de sauver l’abeille saint-martinoise, qui elle aussi constitue une spécificité de l’île.   

Ann Bouard