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Affaires à caractère sexuel : « parole contre parole »

Par Ann Bouard
25 Octobre 2024

Dans les dossiers traités par la justice, les affaires à caractère sexuel figurent parmi les plus délicates. Souvent, l’absence de preuves matérielles aboutit au schéma « parole contre parole » et à charge aux magistrats de démêler le faux du vrai. Le rappel des faits et les questions posées sont très malaisants, lors des audiences publiques, à la fois pour les auteurs et pour les victimes. Les victimes doivent de plus supporter la difficile épreuve de revivre l’agression.

La semaine dernière c’est l’exercice auquel ont dû se soumettre les magistrats du tribunal de Saint-Martin dans deux affaires bien différentes quant au contexte des faits et au profil des protagonistes : un jeune homme ayant eu une pulsion sexuelle et une jeune femme ayant subi les assauts insistants de l’un de ses clients. Seul point commun entre les deux affaires, ils étaient seuls devant la cour, ni l’auteur des faits pour la jeune femme ni la victime pour l’homme n’étaient présents.

Pulsion et attouchements

Le 8 janvier à Saint-Barthélemy, alors qu’elle rentre de la plage avec les enfants qu’elle garde, une nurse  indique qu'un homme a frotté son sexe contre ses fesses et a tenté de lui enlever son maillot. Elle précise qu’il avait le pantalon baissé et le sexe apparent. Arrêté dans la journée, le jeune homme de 22 ans reconnaît avoir sorti son sexe et se masturber, mais nie avoir touché la jeune femme, juste peut-être l’avoir effleurée. À la barre, il exprime de profonds regrets, et avoue avoir eu une pulsion qu’il ne s’explique pas. Depuis, de son propre chef, il a décidé de se faire suivre par un psychiatre et indique ne pas avoir eu d’autres pulsions. Son avocat justifie cette pulsion subite, mais sans intention, par manque d’affection et de relations sexuelles. 

Le ministère public demande aux magistrats, sans être dupes sur la gravité des faits, de tenir compte que l’accusé est rongé de remords, qu’il a pris conscience des choses, et requiert une peine symbolique qui lui permette de continuer à travailler avec son médecin, soit deux mois assortis du sursis.

Le tribunal a été plus sévère que les réquisitions de la vice-procureur, et l’a condamné à 6 mois d’emprisonnement assortis d’un sursis probatoire de 5 ans,  à la privation de son droit d’éligibilité pendant 5 ans, et à verser 2000€ de dommages et intérêts à sa victime. Il sera par ailleurs inscrit au fichier judiciaire des auteurs d’infractions sexuelles.

Massage tendancieux

En janvier 2023 dans un hôtel de luxe de Saint-Martin, une jeune femme dit avoir été agressée et avoir subi des attouchements de la part d’un client qu’elle massait. Deux jours après l’agression, elle dépose plainte et dans son audition indique que l’homme lui a touché l’entre-jambes, les seins, lui a proposé 500€ pour un « petit extra » et l’a embrassé de force à la fin du massage. A la question pourquoi ne pas avoir interrompu le massage avant la fin, la jeune femme a répondu qu’elle était en état de sidération.

L’homme laisse une lettre d’excuses et un pourboire de 100$ lors de son départ de l’hôtel.

La jeune femme a abandonné depuis son métier de masseuse, sa vie ayant été chamboulée. À l’audience, elle se porte partie civile et demande 14 000€ pour souffrance endurée, perte de chance professionnelle, réparation fonctionnelle et préjudice sexuel et 2500 € pour frais de justice. 

De nationalité ukrainienne et résidant au Canada, l’homme a été interpellé lors d’un nouveau séjour. Par le biais de ses avocats, le prévenu indique être un habitué de l’hôtel dans lequel il séjourne chaque année depuis 20 ans et n’avoir eu aucune mauvaise intention. Les 500$ étaient pour qu’elle le soulage d’une douleur persistante dans l’épaule et l’embrassade pour la remercier de son professionnalisme. Pour les autres gestes, il indique ne pas se souvenir. Ses avocats s’étonnent que la victime ait refusé l’expertise psychiatrique pour confirmer son mal être et rappellent que lorsque l’on est en état de sidération, on est totalement figé, or elle a continué le massage. 

Encore une affaire, sans témoin et sans preuve pour les magistrats pour laquelle le ministère public a demandé une peine de 3 mois de prison assortis du sursis. Le verdict du tribunal sera rendu le 19 décembre prochain.

Ann Bouard