Portrait : Ketty Karam-Fischer, une femme engagée dans le social
Née en Guadeloupe, d’une mère guadeloupéenne et d’un père d’origine libanaise, dont les parents figuraient parmi les premiers Libanais arrivés en Guadeloupe à la fin du 19e siècle, Ketty Karam-Fischer est ce que l’on peut appeler une femme de caractère et de conviction. Portrait et parcours d’une femme engagée, troisième d’une fratrie de sept enfants.
Avec un frère handicapé et un père cardiaque, Ketty Karam-Fischer considère que cela a fortement orienté ses visions de la santé. Après avoir été élève au Pensionnat de Versailles à Basse-Terre et avoir décroché un bac philo en 1967, elle part pour la Faculté de Lettres à Grenoble, avant de se diriger vers une carrière dans le social, vers lequel elle est plus attirée, en faisant, durant trois ans, du secrétariat médical à Vichy.
En 1970, elle intègre son premier poste à l’hôpital psychiatrique de Saint-Claude, où elle passe les concours d’adjoint des cadres hospitaliers, de chef de bureau en charge de l’administration générale et du personnel, assurant ainsi parfois, par intérim, la direction de l’établissement.
Durant les onze ans qu’elle passera dans cet hôpital, elle retiendra comme événement important, l’évacuation des 700 malades vers Pointe-à-Pitre pour l’éruption de la Soufrière en 1976. Autre fait qui l’aura marquée, la grève de six semaines, en 1981, où elle sera séquestrée durant douze heures, avec comme explication, « on n’a rien à te reprocher pour ton travail, mais c’est parce que tu es mariée avec un blanc ! ».
Réorganisation des hôpitaux des îles du Nord
De 1982 à 1985, Ketty Karam-Fischer est détachée en qualité de directrice des services de formation de la CCI de Basse-Terre, avant de rejoindre Saint-Martin, en juin 1985, où elle suit son compagnon Jean-Paul Fischer.
Elle devient, jusqu’en 1989, directrice des hôpitaux de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, pour une réorganisation totale des établissements et une normalisation administrative des ressources humaines, financières… Elle participe au programme de reconstruction des hôpitaux des îles du Nord, avec une première inauguration en mars 1987 pour Saint-Martin, et le changement de statut pour l’hôpital De Bruyn, à Saint-Barthélemy, qui sort de la tutelle départementale.
Femme d’action, elle participe à la création de l’association pour la Promotion de la Santé, et à la mise en place d’une coopération avec les îles voisines en matière d’urgence, ainsi qu'à la réalisation du SMUR des îles du Nord.
Construction d’une maison de retraite, organisation de l’accueil médical du sommet des chefs d’Etat Bush/Mitterrand à Saint-Martin, mise en place d’une consultation de dépistage anonyme du sida, consultations avancées, par convention, avec le CHU de Guadeloupe, autant d’actions qui émailleront son parcours, jusqu’à son départ en retraite en 1993.
Une stakhanoviste du monde associatif
Mais départ en retraite ne signifie pas inactivité pour Ketty qui, en 1994, est désignée par le préfet comme administrateur de la Caisse Générale de Sécurité Sociale, en qualité de personne qualifiée.
En 1995, elle crée à Saint-Martin l’association de prévention et de dépistage du VIH Sida et des infections sexuellement transmissibles, Sida/Les Liaisons Dangereuses. Dans la foulée est créé le Centre de Santé qui obtiendra, pour cette activité gratuite qui verra près 9000 passages par an et 1500 tests de dépistages, une habilitation préfectorale, et qui sera financé par l’Assurance Maladie.
Face à une forte demande, l’association crée en 1998, sur le même site, un Centre de soins pour toxicomanes, toujours financé par l’Assurance Maladie, et pour intéresser le jeune public, Ketty Karam-Fischer met en place, au mois de mai 2012, une Maison des Ados située dans le secteur du collège et du lycée à Concordia.
Devant le manque de structures médico-sociales ou d’informations, pour une population qui comprend environ 100 origines différentes, diverses associations sont créées avec l’aide d’autres bénévoles. Parmi ses associations, il y aura le Manteau de Saint-Martin, « F. comme Femmes » qui deviendra « Fanm Vayan », Saint-Martin Avenir et Développement, l’association des Immigrés Haïtiens, Réforme et responsabilité, qui sera en 2003 une liste d’opposition à l’article 74, Saint-Martin pour Tous, une liste présente aux élections territoriales de 2012, ou encore Unis pour Saint-Martin qui oeuvrera pour la jeunesse et la citoyenneté.
La Rebelle du clan
Cette femme totalement engagée dans le social est élue à la présidence de l’Agwadec (Association guadeloupéenne pour le dépistage des cancers) lors de sa création en 2003, suite à la mise en place du plan cancer par le gouvernement. Elle est également élue à la présidence de la Commission spécialisée « Prévention » auprès de l’ARS (Agence régionale de santé).
En 2014, elle est une active militante de la pétition citoyenne pour l’installation d’un cyclotron1 et d’un Tep Scan2 en Guadeloupe, un projet qui ouvre la prévention à d’autres pathologies que les cancers. Retraitée de la Fonction publique hospitalière, depuis près de 25 ans, « il me paraît inconcevable de vivre dans une coquille, sans ouverture vers l’Autre, sans donner de mon temps, de mon expérience au service du collectif », affirme Ketty Karam-Fischer.
Si elle est bénévole « à temps plein » entre Saint-Martin, la Guadeloupe et même en région parisienne où elle anime une association de locataires, cela ne l’empêche pas d’être disponible pour sa famille, frères et sœurs, beaux-frères et belles-sœurs, et leurs enfants, qu’elle surnomme « le clan ».
Ketty Karam-Fischer se considère comme « La Rebelle », une maîtresse femme « qui rêve d’une société plus humaine, plus solidaire, plus responsable où la Femme doit prendre toute sa place et avoir le courage de parfois se rebeller ».
1 Cyclotron : Type d’accélérateur de particules, inventé au début des années 1930, qui permet la production d’isotopes radioactifs, en particuliers d’oxygène 15, de carbone 11, d’azote 13 et de fluor 18, utilisés notamment en médecine.
2 Tep Scan : Examen d’imagerie qui repose sur l’injection dans le sang d’un traceur faiblement radioactif qui se fixe sur différents organes et qui permet d’en analyser le fonctionnement.
Les services de l’Association Les Liaisons Dangereuses (centre de santé/ ceGIDD, csAPA, Espace santé Jeunes) seront fermés du jeudi 3 au dimanche 20 Août 2017. Réouverture le lundi 21 août 2017. Bonnes vacances et protégez-vous ! »