Accéder au contenu principal

Rencontres Fipcom-Medef : le baromètre de l’économie

Par Ann Bouard
28 Janvier 2025

Le petit-déjeuner de l’entrepreneur, organisé par la Fipcom-Medef, est devenu un incontournable pour les acteurs économiques du territoire. Pour cette dernière session, qui s’est tenue le 25 janvier au lycée Daniella Jeffry, Hervé Mariton, le Président de la Fédération des Entreprises d'Outre-Mer (FEDOM) avait fait le déplacement. Face à une salle comble, et en présence des représentants de la Collectivité et de la Préfecture, les échanges nourris ont permis d’aborder de nombreux sujets d’actualités. 

L’ensemble des acteurs économiques ont les yeux rivés sur Paris dans l’attente de la promulgation de certaines lois, ou pas, dont certaines pourraient changer la donne quant à l’avenir économique des outre-mer. Tout l’enjeu pour les institutions comme la Fedom, la Fipcom-Medef, mais aussi pour les parlementaires de Saint-Martin, sera de défendre ce qui avait été difficilement acquis et en premier lieu la Lodeom qui permet aux entreprises ultramarines de bénéficier d’une exonération sur les charges patronales d’assurance sociale et d’allocations familiales. Autres préoccupations à l’ordre du jour, les dispositifs de défiscalisation comme ceux de résorption des friches hôtelières, imparfaits à ce jour, le verdissement économique ou encore l’utilisation de matériel d’occasion ou le numérique. 

Pour sa première présence à ce rendez-vous, Annick Pétrus a, pour une meilleure compréhension, expliqué les arcanes des institutions et la manière dont se construisent les tractations pour obtenir gain de cause. Au niveau national la Fedom joue un rôle important, assurant une veille de tous les instants y compris quand les sénateurs sont au sein de l’hémicycle. Au niveau local, elle a particulièrement souligné l’implication du président de la Fipcom-Medef, Michel Vogel, de Sandrine Jabouley, conseillère technique à la CCISM ou encore de la présidente de la CCISM Angèle Dormoy ; autant de lanceurs d’alerte, qui font remonter les difficultés du territoire aux parlementaires et contribuent au lobbying.

Pas d’inquiétude sur les pourboires, la Lodeom dans l’incertitude

Adopté par l’Assemblée Nationale, l’amendement qui prévoyait la prolongation de l’exonération sociale et fiscale des pourboires jusqu’à fin 2026 a été rendu caduc par la censure du gouvernement. Cependant, la mesure est toujours inscrite dans le texte et sera à l’ordre du jour de la commission paritaire qui va se réunir d’ici quelques jours. Tous les pourboires, y compris ceux en espèces, sont concernés. Cette mesure n’est pas anodine, car elle va permettre au gouvernement de connaître la masse que représentent ces rémunérations. Si le projet de loi est adopté l’exonération sera rétroactive.

Il n’en est pas de même pour la Lodeom où les négociations s’avèrent plus compliquées. La sénatrice Annick Pétrus avait obtenu de ne pas rogner les effets de cette loi, mais avec la censure le débat est relancé. Pourtant, ces exonérations sont indispensables à la survie des entreprises des outre-mer. Un cabinet a été mandaté pour analyser plus en profondeur les impacts des nouvelles dispositions et surtout quantifier le volume d’aides qui pourraient disparaître. Estimées à 1,5 milliard, elles pourraient en effet être amputées de 250 M€ cette année et de plus de 300 M€ en 2026. La Fedom a mené une action politique forte et poursuit sa collaboration avec les parlementaires et tout particulièrement les sénateurs pour empêcher le gouvernement de légiférer par ordonnances pour réformer ou supprimer les régimes applicables dans les outre-mer. Le texte qui avait été adopté par le Sénat sera donc remis sur la table sans garantie pour le moment.

Fonds européens et assurances

Le débat s’est également orienté sur un point clé pour le territoire, les fonds Feder pour lesquels les chefs d’entreprises déplorent le montage long, technique et difficile, avec la contrainte de devoir financer les investissements, souvent lourds pour la trésorerie, avant de percevoir les fonds dans des délais jugés trop longs. Une solution serait un système de préfinancement et un accompagnement dans le temps, que propose déjà la Banque Publique d’Investissements. Un projet de loi est dans les tuyaux pour simplifier les démarches administratives pour les fonds européens.

L’obtention de ces fonds est soumise pour le BTP à l’obligation d’avoir une assurance décennale, elle aussi difficile à obtenir et à prix exorbitants. La garantie catastrophe naturelle a augmenté de 12% à 20% selon les territoires et il y a une vraie réduction de la capacité des assurances, commente Hervé Mariton, due aux derniers événements en Nouvelle-Calédonie, en Martinique et à Mayotte. Le cumul des catastrophes naturelles et des émeutes fait très mal !  À noter que l’assurabilité est assujettie aux nombres de sinistres et chaque assureur est libre de ces souscriptions.

Quant aux assurances sur l’utilisation des matériaux non normés CE, les assureurs là aussi tiquent. Pour eux, il n’y a pas de garantie quant à  leur solidité et leur résistance et il faudrait pouvoir les tester avant d’assurer les constructions pour lesquelles ils sont utilisés.

Crédits et recouvrements URSSAF

Les crédits aux entreprises ont légèrement augmenté en 2024, avec en premier lieu les crédits immobiliers devant les crédits d’investissement. Les crédits d’exploitation (découverts notamment) sont eux en recul. Un baromètre que François Groh, directeur de l’IEDOM, voit comme un bon signe. Cependant, depuis la fin de l’année, il constate qu’il y a une remontée des risques dans le système bancaire. Si cela n’est pas encore inquiétant, il estime qu’il faut être vigilant. Il y a en effet des tensions pour rembourser les crédits, mais les banquiers, chose nouvelle, sont désormais dans l’accompagnement.

Autre point abordé lors de ces débats, la campagne de recouvrement de la CGSS pour le moins «  enthousiaste » ! Le directeur par intérim de la CGSS en convient, il y a eu quelques dysfonctionnements au sein des services et un manque de réponses face aux demandes des entreprises. Un numéro vert d’urgence aux entreprises avec 4 à 5 collaborateurs dédiés devrait être mis en service prochainement et le recouvrement à l’amiable sera privilégié. Il alerte cependant les chefs d’entreprise sur les délais de paiement ; tout retard engendrant des pénalités, mieux vaut être mensualisé et ne pas attendre d’être au pied du mur pour prendre contact. 

Ann Bouard