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Visite ministérielle, le monde économique en attente de réponses

Par Ann Bouard
20 Mars 2025

La visite de Manuel Valls‭, ‬ministre de l’outre-mer‭, ‬s’est achevée vendredi dernier par un dîner avec les socioprofessionnels du territoire‭. ‬L’occasion pour les représentants de la Fipcom-Medef Saint-Martin de mettre les pieds dans le plat‭, ‬et de poser sur la table quelques dossiers épineux‭.‬

Michel Vogel président de la Fipcom-Medef de Saint-Martin, Jean Arnell (PDG de Computech) et Eve Riboud (directrice générale de Dauphin Telecom) ont en effet saisi l’opportunité de cette rencontre pour aborder plusieurs points essentiels pour l’avenir du territoire. Si le ministre d’État n’a pas apporté de réponses immédiates, l’on peut espérer qu’emportant avec lui les dossiers, il soutiendra les actions en cours et appuiera les projets en faveur du territoire, car tel est son rôle en tant que ministre de l’outre-mer.

La LODEOM toujours sur la sellette 

La loi d’exonérations des charges patronales pour les entreprises ultramarines n’en finit pas d’être remise en question. L’actuel secrétaire général de la Préfecture, Fabrice Thibier, alors conseiller de la ministre Annick Girardin avait œuvré pour son maintien. Un rabotage massif a été évité de justesse lors du dernier projet de loi de finances, mais aujourd’hui rien n’assure son maintien à l’horizon 2026. Dans cette incertitude, les acteurs économiques demandent à ce que le gouvernement s’engage à préserver ce régime spécifique pour Saint-Martin et qu’une concertation soit mise en place dès ce printemps. Un rapport d’évaluation de cette loi a été réalisé par l’IGF/IGAS, mais n’a toujours pas été rendu public.

Dérogation des normes CE pour la construction : reste à marquer l’essai

Le Parlement européen a autorisé les outre-mer à déroger au marquage CE pour les matériaux de construction. Il y a dix jours, le Sénat a adopté un amendement qui prévoit la création de comités relatifs aux produits de construction dans chaque DROM et à Saint-Martin.
L’adaptation des normes dans les outre-mer n’est plus une option : elle est une nécessité. D’ores et déjà à Mayotte, la brique de terre compressée utilisée dans la construction d’un lycée a démontré sa résistance au passage du cyclone Chido ; en Nouvelle-Calédonie, le Registre de la Construction permet depuis 2020 d’intégrer les normes australiennes, plus performantes en matière anticyclonique. Reste à savoir si le gouvernement va accompagner cette initiative jusqu’au bout du processus parlementaire ?

Des politiques de défiscalisation peu adaptées

Si une avancée a été faite concernant l’augmentation des taux de réduction d’impôt pour la rénovation hôtelière dans la loi de finances 2025, les taux de réduction d’impôt appliqués dans le cadre des schémas locatifs d’investissement, restent identiques à ceux qui prévalaient avant la modification de la loi. Il faudrait réviser ce dispositif pour soutenir le secteur de l’hôtellerie notamment. Dans le même registre, l’aide fiscale à l’investissement pour l’acquisition des friches hôtelières ou industrielles demeure toujours limitée.

Approvisionnements maritimes : un coût pour la population

Les grèves qui bloquent les ports dans l’Hexagone s’ajoutant aux aléas de la météo impactent directement l’approvisionnement, mais aussi le porte-monnaie des Saint-Martinois. Les prix des laitages, acheminés par avion, ont explosé ! La  suppression de la ligne maritime directe va, elle, jouer sur les dates de péremption des produits et ajouter les aléas cette fois des transbordements depuis la Guadeloupe. Pour les professionnels ces retards impliquent des frais de stockage supplémentaires dans l’attente du départ des bateaux, des pertes sèches de produits, etc. Les acteurs économiques réclament une cellule de coordination public-privé pour anticiper et sécuriser la logistique maritime.

Continuité territoriale : un poids, deux mesures

La continuité territoriale est une vraie problématique pour Saint-Martin, victime de sa double insularité. Tous les États soutiennent leurs territoires ultramarins. Le Portugal dépense 234€ par habitant pour les résidents de Madère ou des Açores, l’Espagne 223€ pour ses résidents des Baléares ou des Canaries et la France accorde une aide de 257 € par an aux Corses et de … 16 € à ses territoires d’outre-mer ! Quand on connaît le prix des billets d’avion pour relier Saint-Martin au reste du monde, la question de cette injustice ne peut que se poser !

Ann Bouard