Portrait : Angèle Dormoy, Présidente de la CCI, « Son autre visage »
A la tête de plusieurs entreprises ici et en Guadeloupe, et depuis peu à celle de la Chambre Consulaire Interprofessionnelle de Saint-Martin, Angèle Dormoy est sur tous les fronts. Bosseuse, perfectionniste, aussi exigeante avec elle-même qu’avec les autres, d’une force de caractère peu commune, elle représente la réussite sociale. Mais c’est aussi une femme, discrète, qui croit en ses rêves, qui a confiance dans la vie et en son prochain et qui respire la joie de vivre et le bonheur. Aller plus toujours plus loin ensemble est son moteur, sa force.
Quelle a été votre enfance ?
Quelle a été votre enfance ?Pauvre, mais très heureuse ! J’ai la chance d’avoir une famille soudée qui me comble d’amour, aujourd’hui encore. Je suis née à Saint-Martin, mais toute ma famille est partie vivre en Martinique alors que j’avais 6 ans. Mes parents ont fait ce choix pour nous donner, à mes deux sœurs et à moi, une meilleure éducation, car à cette époque il n’y avait pas beaucoup de possibilités sur l’île. Ce fut un sacrifice, mais ils l’ont fait pour nous.
Cela a été difficile de quitter les Antilles, après le BAC ?
Une fois ce sésame en poche, il fallait que je choisisse une voie en tenant compte de trois facteurs essentiels, obtenir une bourse, être acceptée dans une université et une chambre universitaire. Je savais que la vraie autonomie tenait à ma capacité à faire des études. Aux Antilles à cette époque, pour une femme, le choix se cantonnait à se marier, faire des enfants, travailler ou faire des études. J’ai fait plusieurs demandes en métropole, la 1ère à avoir répondu en réunissant les trois critères était Bordeaux … je suis partie. Alors oui, cela a été difficile car je quittais le cocon familial. J’étais en plus très timide. Mais ces années universitaires m’ont obligé à faire face à la vie et m’ont forgé le caractère.
Je voulais que ma famille soit fière de moi. Je me suis obligée à faire abstraction des éléments négatifs et me suis fixée des objectifs par étapes. J’ai fait des tas de petits boulots : maîtresse d’internat, serveuse dans un fast-food et même dans une maison de retraite pour prêtres et nonnes ! Dans le même temps, j’ai obtenu mon Deug, puis j’ai enchaîné sur licence, maîtrise, LEA (langues étrangères appliquées). J’aurais pu m’arrêter là, mais je tenais à ajouter à ma formation une partie plus technique, j’ai donc choisi un DESS de Gestion d’Entreprises, ce choix fut celui de la passion et non celui d’une finalité normale.
Petite, vous rêviez déjà d’être chef d’entreprise ?
Même si comme toutes les petites filles, je rêvais d’être hôtesse de l’air, professeur, je suis aujourd’hui exactement où je voulais être dans mes rêves. Car finalement, mes diplômes et surtout le DESS m’ont permis d’accéder à d’autres métiers. À la fin de mon parcours universitaire, j’ai été contactée par des chasseurs de têtes, qui m’ont proposé des postes dans des grosses entreprises en Belgique, en France … J’aurais pu choisir de faire une carrière internationale, mais je voulais avant tout revenir à St-Martin.
Saint-Martin ? Pourquoi pas la Martinique, l’île de votre adolescence ?
Saint-Martin est l’amour de ma vie. Mon cordon ombilical y est enterré ! Dans mon cœur et dans ma tête, j’ai toujours été Saint-Martinoise. Et l’objectif de mes parents de nous donner une meilleure éducation ayant été atteint (mes sœurs et moi avons fait nos études à Bordeaux) toute ma famille est rentrée. Ici, nous avions notre pierre à apporter pour que le développement ne se fasse pas sans nous ! Je suis donc revenue et j’ai intégré la Semsamar en 1995, juste avant Luis. Il a alors fallu se battre pour tout réorganiser, déblayer, nettoyer, distribuer les denrées … mon éducation et mon expérience de vie en métropole m’ont alors vraiment aidé à prendre les choses en main.
Aujourd’hui l’histoire se répète ?
Oui, j’ai revécu tout cela avec Irma. Je vis à Rambaud. C’est un petit village très pittoresque où il fait bon vivre, le St-Martin d’antan. Il y a là un réel esprit d’entraide. Tout le monde a participé. Cela a conforté l’amour que j’ai pour le peuple de Saint-Martin.
Mais je suis de nature optimiste et croyante (même si je ne vais pas assez à l’église selon ma mère !). Une chose que la vie m’a apprise, c’est que lorsque l’on est par terre on ne peut pas aller plus bas. Soit on se laisse mourir soit on se bat pour se relever. J’ai la foi, alors je me bats parce que je crois en la force que donnent la mixité, les couleurs, les différentes cultures. Une alchimie qui aurait pu être explosive, mais qui au final fait la magie de St Martin.
Vous avez répondu à votre premier SMS à 4h30 ce matin … comment faites vous ?
Je dors peu, c’est une chance de ne pas avoir besoin de beaucoup de sommeil. J’ai réussi à trouver un équilibre entre ma vie familiale, professionnelle et sociale. Pour moi, il est impensable de vivre à Saint-Martin sans avoir cet amour de l’autre, sans vouloir redonner aux autres un peu de ce que l’on a gagné, donc je passe beaucoup de mon temps à aider, je fais partie de plusieurs associations, et je suis Lions Club International depuis 22 ans. J’ai un cerveau qui fonctionne à 200 à l’heure et qui ne me permet pas d’arrêter.
Par contre, je dois souligner que je suis très bien secondée dans mes entreprises où j’ai du personnel très compétent que j’ai formé à prendre le relais. Je pars souvent en Guadeloupe pour me ressourcer, mais jamais plus qu’un week-end prolongé. Cela me permet de passer du temps avec mes parents et me faire dorloter. J’en profite pour lire, écrire.
Avec tout cela vous avez oublié de fonder une famille, mais êtes-vous heureuse ?
La vie en a voulu ainsi. J’ai une famille qui compte pleins de cousins, cousines, neveux, et nièces qui m’aident à rester jeunes, et des amis fidèles sur qui je puis compter en tous temps. Je suis très heureuse de mes choix et de ma vie et puis le bonheur, c’est celui que l’on se crée.
Le bonheur se trouve dans les choses les plus simples : un sourire, un arc en ciel pour me rappeler qu’il y a la vie après la tempête … La vie quoi !