Tu seras un homme mon fils !
Une campagne de publicité, lancée par la Fondation des Femmes, invite les hommes à lutter contre les violences faites aux femmes. Diffusée depuis mercredi et durant tout le mois de juin sur les chaînes de France télévision, elle a pour objectif d’empêcher la reproduction des violences et inégalités d’une génération à l’autre. Coïncidence du calendrier ou effet de l’annonce d’Emmanuel Macron en novembre dernier d’en faire une cause nationale, toujours est-il que mercredi se tenait la 1ère réunion de professionnels amenés, dans le cadre de leurs activités, à détecter les violences conjugales. Cette première est le signe d’une prise de conscience à Saint-Martin et surtout l’espoir de faire évoluer les choses.
A l’initiative de deux médecins gynécologues, les docteurs C. Vangeenderhuysen et M. Thene, cette rencontre pluridisciplinaire a réuni une soixantaine de professionnels. Médecins, gendarmes, psychologues, parquet, personnel hospitalier, associations, personnel de la Collectivité … se sont mobilisés avec la volonté de mettre des mots sur une problématique complexe et surtout d’établir des liens entre eux pour travailler ensemble à l’avenir.
COMMENT SAVOIR ?
Le dépistage peut se faire de manière clinique en notant des signes physiques, psychologiques ou un changement de comportement social. Chez l’enfant, témoin ou victime, c’est le rôle des enseignants de signaler tout changement comportemental. La complexité du phénomène d’emprise et les traumatismes subits rendent souvent incompréhensibles l’attitude des victimes. Il faut oser poser la question avec empathie et de manière professionnelle ou amicale pour l’entourage.
QUE DIT LA LOI ?
Un agresseur encourt une peine de prison de 3 à 10 ans, voire à perpétuité et une amende allant jusqu’à 45000 € selon la gravité des faits, mais la justice ne requiert pas la prison de manière systématique. Depuis 2010 la loi a élargi la notion conjugale au concubin, aux personnes pacsées et aux ex-conjoints. Par ailleurs, elle intègre 3 nouveaux délits : le harcèlement, la violence psychologique, la violence qualifiée d’habituelle au sein du couple. A Saint-Martin on estime à 80 le nombre de dossiers déposés dont une trentaine ont été jugés.
LES GENDARMES À L’ÉCOUTE.
En outre mer, les violences conjugales sont de 10 à 15% plus élevées qu’à l’échelon national, et beaucoup plus préoccupant, elles ont augmenté sur l’île de 21,6% depuis janvier dernier. Le passage d’Irma ne serait pas étranger à ce fait : manque de travail, cohabitations forcées, … tout cela favorise la violence. Pour y faire face, les effectifs de la gendarmerie ont été renforcés par une intervenante sociale et par des interprètes dans toutes les langues.
En cas de violence conjugale, une enquête peut être menée même en l’absence de plainte. Toutefois celle-ci demeure le point de départ de la procédure judiciaire. Peu importe le lieu de l’agression, la victime peut déposer plainte dans n’importe quel commissariat ou gendarmerie, même éloigné de son domicile. Selon les violences, les démarches peuvent sembler fastidieuses, mais elles sont nécessaires pour faire avancer l’enquête et sortir de l’engrenage.
DES MOYENS LIMITÉS.
Force est de constater, que Saint-Martin manque cruellement de moyens : pas de structure d’accueil (seul le Manteau peut actuellement recevoir les victimes de manière limitée et provisoire), pas de possibilité d’éloignement, pas de téléphone d’urgence géo-localisable comme cela existe ailleurs … la liste des manques est plus longue que celle de l’existant.
C’est à Mélanie Hodge, chargé de mission déléguée au Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance de Saint-Martin (CLSPD) qu’est revenue la tâche de conclure sur une note cependant plutôt optimiste, signalant les avancées notables déjà effectuées comme le co-financement par la Collectivité et la gendarmerie du local d’accueil de l’intervenante sociale ou la prochaine délocalisation du Manteau. Sur le point récurent de la journée, la construction d’un foyer d’accueil, le projet en cours avant Irma devrait voir le jour à l’horizon 2019. Par ailleurs, elle a annoncé la création d’un groupe de travail élargi au sein du CLSPD (Comité local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance) afin de sceller la volonté d’agir entre partenaires et Collectivité, s’engageant à l’animer et à faire remonter les informations au plus haut niveau.
Tous ces dispositifs ont un seul objectif : sortir les victimes de leurs souffrances et sauver des vies. On ne peut donc qu’espérer que les mots seront suivis d’actes concrets et que cette belle mobilisation perdurera pour qu’à terme Saint-Martin devienne un exemple en la matière.
CONFÉRENCE PUBLIQUE
« Les Violences conjugales » VENDREDI 1ER JUIN À 17H30 à la CCI de Concordia (accès libre)