Julien Gumbs, l’interview
La campagne des élections territoriales démarre officiellement cette semaine. Nous avons rencontré Julien Gumbs, chef de file de la liste du MOCSAM. Interview.
97150 : Julien Gumbs, bonjour, et merci de nous recevoir. Votre groupe le MOCSAM a pour ambition première de replacer le citoyen au cœur du débat et de la « chose publique ». Nous ne reviendrons pas sur les thèmes du bilinguisme ou de la fiscalité déjà bien évoqués par ailleurs. En revanche, nous souhaiterions que vous commentiez certains points qui figurent dans votre programme et qui méritent des précisions. En premier lieu, la modification des institutions. Vous prévoyez en effet de scinder l’actuel Conseil territorial en deux : un Conseil territorial Ordinaire (CTO) et un Conseil Territorial Législatif (CTL). Pouvez-vous en expliquer les grandes lignes ?
Julien Gumbs : Bonjour à vous et merci de me laisser la parole dans vos colonnes. Nous pensons effectivement que l’architecture actuelle de la Collectivité n’est pas efficiente, et surtout ne laisse pas la parole aux administrés. Au sein du MOCSAM, il nous semble opportun de créer un organe législatif, que nous appelons CTL au sein duquel sera traité tout ce qui aura une force de loi. Et nous pensons que le citoyen doit être prévenu et concerté en amont quand une loi va changer quelque chose dans son quotidien. Le CTL sera chargé de scruter tous les amendements qui seront issus du débat en amont. Et une fois seulement que la loi sera validée par le plus grand nombre, elle sera adoptée. C’est notre conception de la démocratie. Dans notre système actuel, les « lois » qui sont en fait les délibérations sont votées au Conseil territorial et le citoyen n’en prend connaissance qu’une fois qu’elles ont été votées. Le citoyen n’a plus d’autre choix que celui de les subir et de les appliquer. Nous, nous souhaitons qu’il y ait un débat démocratique en amont de toute nouvelle loi qui sera votée. Nous sommes dans un souci de transparence et de participation du citoyen. Quant au CTO, il continuera de traiter les affaires courantes de la Collectivité. C’est une réforme majeure mais qui sera transitoire, pour ensuite aller vers une Assemblée délibérante et un Parlement.
97150 : D’où l’importance que vous voulez redonner aux Conseils de Quartiers ?
Julien Gumbs : Tout à fait. Les Conseils de Quartiers, tels qu’ils ont été élaborés, n’ont aucun rôle dans le débat politique. Tout comme le Conseil Economique Social et Culturel (CESC). Notre Loi Organique a permis la création de ces organes. Mais on les a créés, pour les créer… Et ils ne jouent à ce jour pas leur rôle de démocratie participative, ni même un rôle consultatif. Nous allons dans un premier temps ramener de six à quatre le nombre de Conseils de Quartiers. Ils seront rassemblés dans un Etablissement de Conseils de Quartiers qui sera dirigé par un directeur. Les membres des quatre Conseils de Quartiers ne seront plus désignés, mais ils seront élus démocratiquement par un scrutin à liste uninominale et à un tour. Chaque conseil de quartier aura 9 membres, 5 membres choisis par la population, dont son représentant et son adjoint, et 4 élus de la COM. Vous voyez, c’est la population de son quartier qui sera majoritaire. Les représentants et leurs adjoints siègeront dans l’Etablissement fédérateur des Conseils de Quartiers. Nous souhaitons par-là créer une sorte d’antichambre aux élus de demain. Ceux qui auront siégé dans ces conseils de quartiers auront une vraie expérience de la « chose publique ».
97150 : Le thème de l’agriculture, dont vous êtes un fervent défenseur, ne s’est pas vraiment invité jusqu’alors dans les débats de campagne. Quels sont vos projets dans ce domaine ?
Julien Gumbs : Une très bonne étude a été réalisée en 2011 qui a mis en exergue la faisabilité d’un développement agricole sur notre territoire, avec un budget déployé de 1 million d’euros par an, sur dix ans. Le marché existe. Seule une volonté politique pourra participer du développement de la filière agricole. Avec le MOCSAM à la tête de la Collectivité, nous allons ressortir cette étude, la dépoussiérer et nous attaquer à sa mise en œuvre. Pour ce faire, nous consacrerons un budget annuel de 1.5 millions d’euros pour le développement de l’agriculture. Nous créerons des partenariats avec le lycée agricole de la Guadeloupe. Et surtout, dans le Plan Local d’Urbanisme, nous comptons doubler la surface de terre agricole, la faisant ainsi passer à 800 hectares. Nous escomptons ainsi la création d’environ 300 à 400 emplois dans cette période de 10 années.
97150 : Vous êtes dans le positivisme des concepts. Vous ne parlez pas d’école de la seconde chance, mais d’école de la réussite. De même, à la lecture de votre programme, on sent une volonté d’inverser les tendances, que les handicaps deviennent des atouts…
Julien Gumbs : Vous avez raison. Chacun de nos concitoyens a des valeurs qui ne cherchent qu’à s’exprimer. Notre Mouvement citoyen veut redonner confiance en la jeunesse, en la population. Ne plus avoir honte d’être en échec scolaire, et du coup chercher à se valoriser en devenant délinquant. Ne plus avoir honte de ne pas parler correctement la langue française, et donc de se renfermer sur soi-même ou uniquement au sein de sa communauté linguistique…. L’école de la réussite sera un lieu d’épanouissement pour nos jeunes. Un lieu où ils auront envie d’évoluer positivement car ils seront mis en valeur. Si vous n’êtes pas bon en maths ou en histoire, il y a forcément un autre domaine où vous êtes bon : le sport, le dessin, le théâtre… L’école doit redevenir un lieu de plaisir et non pas de contraintes. Les bâtiments appartiennent à la Collectivité. A la Collectivité de se les réapproprier et de créer en dehors des temps scolaires des activités de loisirs, artistiques, sportives et ludiques pour que les enfants, les jeunes, aient envie d’y passer du temps. Et nous créeront aussi l’école de la Parentalité pour que les parents qui se trouvent face à des difficultés d’éducation puissent se retrouver, échanger, et apprendre à être parent.
97150 : Vous prévoyez par ailleurs d’autoriser sous conditions la scolarisation des enfants de la partie hollandaise dans les établissements de la partie française. Quelles sont ces conditions ?
Julien Gumbs : Il est clair qu’aujourd’hui interdire la scolarisation des enfants de Sint Maarten dans nos écoles a marqué depuis longtemps ses limites : On le constate avec toutes les fraudes dans les adresses en partie française communiquées par les parents. Interdire n’est donc pas la solution. En revanche, l’école française est certes gratuite, mais elle a un coût. Et ce coût est payé par la contribution nationale, notamment le paiement de l’impôt. Nous proposons une autorisation d’inscription de ces élèves sous conditions d’en régler les frais. Et à charge du gouvernement de Sint Maarten de collecter ces règlements et de les reverser à la COM de Saint-Martin. C’est un projet de collaboration qu’il nous faut mettre en œuvre. Notre programme prévoit une mesure similaire pour les soins de santé. L’article 74 de la Constitution française qui nous régit nous donne un droit à l’expérimentation dans de nombreux domaines. Il nous faut utiliser ce droit pour réinventer un nouveau fonctionnement qui soit en adéquation avec nos spécificités locales. Et jusqu’alors cela n’a pas été fait.
97150 : Une dernière question concernant les personnes qui sont présentes à vos côtés sur la liste du MOCSAM. Peu d’entre elles sont connues dans le monde politique : Qu’est-ce qui a motivé le choix de ces personnes ?
Julien Gumbs : Je dois dire que je suis très fier de l’équipe qui s’est réunie autour du projet du MOCSAM. C’est une équipe cosmopolite, avec des personnes d’expériences, responsables, et dont l’âge va de 24 à 72 ans. Il y a certaines personnes que je ne connaissais pas auparavant. C’est quand nous avons commencé à réfléchir, à nous réunir, à travailler et à construire ce projet pour le Mouvement Citoyen que des personnes se sont intéressées à ce que nous proposions et elles nous ont rejoints. Je pense que nous avons un projet différent des autres candidats. L’objectif reste de remettre Saint-Martin sur les rails de la réussite, mais en partant de la base, c’est-à-dire du citoyen. C’est lui qui, in fine, doit être au cœur des décisions qui seront prises au sein de notre majorité.